Chapter 2

2003 Words
Chapitre 1 Mai ou une routine pourtant bien rôdéeMardi 15 mai, à une heure matinale tellement indécente qu’on peut encore dire que c’est le milieu de la nuit Je suis réveillée grâce (à cause ?!) de mon magnifique téléphone portable qui me nargue sur ma table de nuit. Je suis étalée de tout mon long sur mon lit dans la chambre d’hôtel scandaleusement luxueuse où je suis installée depuis deux jours. Sur le ventre, en sous-vêtements et tee-shirt informe, je pense même que j’ai dû baver. Mais on a des circonstances atténuantes quand on travaille pour Jonathan Beresford. Trois ans, trois ans que je me coltine ce type. Mais pourquoi, pourquoi, est-ce que j’ai accepté la proposition de Tom Walker ? Je le déteste ! Et je déteste mon patron. Je déteste mon job. Je déteste ma vie en fait. Il fait encore nuit dehors, les rideaux sont fermés mais vu que j’ai mis le réveil à cinq heures trente, je ne pense pas que le soleil soit aussi matinal que moi. Comment de telles pensées peuvent-elles me traverser l’esprit alors que je viens à peine d’éteindre mon réveil ? Mon cerveau m’étonnera toujours. Une bonne demi-heure plus tard, je suis enfin sous la douche. Une bonne et looooooooooooooongue douche. Encore à moitié endormie, je sors de la douche, me sèche les cheveux, me coiffe, me maquille et m’habille. Et bientôt j’ai retrouvé mon apparence de parfaite secrétaire. Avec un soupir, je me regarde dans le miroir avant de terminer de ranger mes affaires puis je mets ma valise et la sacoche de mon ordinateur portable sur le lit pour que les bagagistes viennent les récupérer. Bah oui, il y a quand même des avantages à travailler pour un des hommes les plus riches du monde. Je me prépare mentalement pour la joute verbale qui va suivre à n’en pas douter et je sors de ma chambre munie simplement de mon sac à main, et je garde mon portable serré entre mes doigts. La chambre en face, je toque doucement et j’attends. Trente secondes après, je frappe de nouveau à la porte. Ho, j’ai l’habitude, je commence à bien le maîtriser le petit Beresford maintenant. Je pense que je le connais même mieux que sa propre mère. La pauvre, elle a dû déguster pour l’élever. Après deux ou trois minutes de ce manège, je désespère et l’appelle avec mon portable. La première fois, il me raccroche carrément au nez. La seconde et la troisième, il m’ignore simplement. Je déteste vraiment ce type. En désespoir de cause et parce qu’évidemment j’ai prévu le coup, je sors un double de la clef électronique de sa chambre – que j’ai réussi à avoir grâce à mes talents de persuasion auprès de l’accueil, oui je sais c’est mal mais je n’ai pas le choix. Et j’entre dans sa chambre. Etonnement, je découvre qu’il est seul. Habituellement, je retrouve une fille dans son lit. Et régulièrement d’ailleurs c’est moi qui dois les éconduire… ce mec est un taré ! Sans accorder un regard au déchet humain qui me sert de patron, écroulé sur le lit, je vais ouvrir les rideaux puis j’allume la lumière. Je vérifie qu’il n’y a pas de substances étranges dans la chambre : genre drogue, alcool voire vomi… mais rien. Une petite nuit sage pour mon Beresford national ! Je m’assieds finalement sur le bord du lit et pose ma main sur sa poitrine pour le réveiller. Heureusement, cet homme n’est pas comme moi, il se réveille vite et facilement, même avec une gueule de bois carabinée. Ce qui me semble être le cas. Allez, c’est parti pour la deuxième bataille de la journée (la première ayant été de quitter mon lit). – Monsieur Beresford ? Il faut vous lever, il est sept heures moins le quart. – MMmhhhhhhhhhhhhhhhhhhh, me répond-il sans même bouger ne serait-ce qu’un cheveu. Je sens que ça va être facile. – Nous devons partir dans moins d’une heure pour l’aéroport… Monsieur ! – Adams, soupire-t-il finalement, sans ouvrir les yeux. L’avion nous attendra… c’est mon jet privé, ils ne partiront pas sans moi. Réplique tout à fait exact qui a le don de m’agacer prodigieusement. Mais évidemment, je ne dis rien. Je crois d’ailleurs qu’il est la seule personne de l’univers à ne pas subir mon arrogance, mon manque de tact et mon humour froid qu’il faut prendre au quinzième degré… enfin, pas souvent. En même temps, il doit être la personne la plus manipulée du monde alors bon… ça compense. Je pense que le jour où il se rendra compte que je suis… tout, il me tuera. Nan mais sans déconner (je sais c’est pas beau…) le gars il est brillant mais il est un petit peu brave sur les bords. – Monsieur, nous devons rentrer… il y a le dîner de mariage de vos parents ce soir. Il soupire, se retourne, et pose ses poings sur ses yeux en grimaçant. J’ai juste envie de rire. – Adams, barrez-vous. – Pardon ? – Vous avez parfaitement compris. – Vous devez vous préparer ! – J’ai compris ! C’est bon je suis réveillé ! Je vais me préparer… mais foutez-moi la paix ! Allez passer vos appels, emmerdez le reste de l’hôtel si cela vous chante, allez me chercher un café si cela vous dit mais sortez de ma chambre. C’est définitif, je déteste mon patron. Je me lève, agacée, mais je tente de rester impassible. – Bien, je vous attends en bas pour prendre le petit-déjeuner. – C’est ça. – Je ne plaisante pas, on part dans une heure. – Mais oui je vous ai dit. Je le regarde avec suspicion avant de rejoindre la porte. – Ne vous rendormez pas ! Et je claque la porte. Pas très cool pour les voisins mais libérateur pour mes nerfs. J’ai besoin d’un café. Les bruits du clavier sous mes doigts me tapent sur le système. Oui c’est moi qui tape mon rapport, oui c’est moi qui fais ce bruit mais je ne le supporte pas à cet instant. Une migraine me tient depuis bientôt une heure et là je n’en peux plus. Avec un soupir désespéré, je m’adosse au siège de l’avion dans lequel je me trouve depuis quatre heures maintenant, je retire mes lunettes et les pose sur la table à côté de mon ordinateur… bon ok, je les jette sans ménagement. Deux heures de retard sur le planning… l’avion devait partir à neuf heures de New York… Ho je savais pertinemment que nous ne partirions jamais à cette heure-là, j’avais donc changé l’horaire à dix heures sans que Beresford ne le sache, comme chaque fois. Mais ce matin, il a quand même fait très fort. Nous sommes partis à midi. Ce gars me désespère. Pas étonnant qu’il ne se trouve pas de fille… en même temps, avec son charisme et son argent, il aurait eu tort de ne garder qu’une femme à ses côtés alors qu’il avait le monde féminin à ses pieds. – Je peux vous servir quelque chose ? Je tressaille et ouvre les yeux. Madison, l’hôtesse de l’air, s’est penchée vers moi. Comme moi, elle a appris à se faire discrète en présence de notre patron. Parfois – souvent – pas commode le garçon. – S’il vous plaît, oui, trouvez-moi un cachet d’aspirine… Elle me sourit, compatissante. Oui, elle savait mieux que personne ce que c’était de travailler pour Beresford. – Et monsieur Beresford ? me demande-t-elle en baissant encore la voix. Je me penche pour regarder derrière l’hôtesse où est assis mon patron. Il est en grande conversation téléphonique en japonais – que je ne parle absolument pas – mais ses gestes et son ton trahissent un profond agacement. Ce ne peut être que son meilleur ennemi, son concurrent et son allié, le puissant Fukashaki. Je regarde l’heure, il reste environ deux heures de vol… ouais ça va être chaud… autant le calmer. – Donnez-lui un Black Jack… pas trop sucré. Madison fait une grimace que je ne cherche pas à comprendre et s’éloigne. Quoi de mieux que le cocktail préféré du patron pour entrer dans ses bonnes grâces ? Je ferme de nouveaux les yeux. Les deux heures qui restent vont être vraiment très longues. Et il faut que je termine mon rapport. Madison nous apporte les boissons au moment où Beresford me fait sursauter en raccrochant violemment. Pauvre portable. Il le jette sur la table avec fureur puis vient s’asseoir en face de moi. Ha bah je crois qu’il va falloir en racheter un. Un record, celui-ci a tenu trois mois. La mâchoire serrée, la main devant la bouche, son regard bleu brille de colère et il observe les nuages avec agacement. Depuis trois ans, j’ai eu le temps de me faire à sa personnalité pour le moins originale. Je suis à présent capable de traduire chacune de ses expressions et je crois que rien chez lui ne m’est inconnu. Je patiente donc le temps qu’il se calme parce que je ne peux rien faire. Je crois qu’il est la seule personne au monde à avoir un caractère encore plus pourri que le mien. Et rien que pour ça, je lui tire mon chapeau, parce que je suis vraiment une chieuse dans mon genre. Est-ce pour ça qu’il me supporte aussi bien ? Mmmmh, la réponse est à creuser. Madison pose finalement les boissons devant nous, d’abord le cocktail puis mon aspirine avec un verre d’eau avant de s’éloigner sans un mot. Beresford a maintenant un léger sourire qui flotte sur ses lèvres quand il regarde sa boisson. – Comme d’habitude Adams, je me demande ce que je ferais sans vous. Bah pas grand-chose à mon avis… mais je me contente de lui sourire avant de prendre une gorgée d’eau fraîche avec le petit cachet salvateur. – Quand arrivons-nous ? me questionne-t-il. Je soupire discrètement, il ne peut pas regarder son téléphone pour savoir l’heure non ? Mais je réponds néanmoins doucement : – Dans une heure quarante environ. Je me demande parfois pourquoi est-ce que je ne le remets pas à sa place. – Tant mieux, j’en ai marre. Ha oui, c’est lui qui signe mes chèques… – Monsieur Fukashaki vous mène encore la vie dure ? Il me fusille du regard, ce qui me fait sourire, moqueuse. Il respire profondément en remarquant que cela ne m’atteint absolument pas (je crois que c’est même devenu un jeu entre nous) puis marmonne : – Oui. Il refuse de me céder une partie du gisement de lithium. – Pourquoi vous en occupez-vous aussi ? je soupire. Cela est le travail de monsieur Hudson, ou le mien à la rigueur… Je passe mon temps à soupirer depuis que je connais cet homme, c’est devenu une seconde nature… je crois que ça n’est pas bon signe pour ma santé mentale. – Adams, vous savez que j’en fais une affaire personnelle. Fukashaki est autant un collaborateur qu’un rival et il m’agace prodigieusement depuis des années. Un jour je rachèterai son entreprise, vous verrez. Je me retiens de lever les yeux au ciel. Ça fait trois ans que j’entends la même chose ! Si au début leur petit numéro m’amusait, la plaisanterie a maintenant suffisamment duré. Bon, en même temps, vu le micmac du truc, je ne suis pas mécontente de laisser Beresford s’en charger… pour une fois ! Puis, même si j’ai tous les pouvoirs officieusement, tout cela n’est que fictif en réalité, je ne peux pas me permettre de faire n’importe quoi. Ouais, c’est vraiment bizarre comme situation. – Avez-vous terminé le rapport de notre conférence à New York ? Il boit tranquillement son cocktail et il ose me demander ça ??? Je vais le tuer ! Non sérieux ! Son arrogance me tape sur les nerfs ! Il croit que je fais quoi depuis qu’on est parti ? Je vais le taper, lui faire ravaler sa verve, le… Est-ce que je peux le tuer et faire disparaître le corps sans que personne ne s’en aperçoive ? Mouais, peu probable après réflexion. Mais un jour, je vais lui faire sa fête. Le jour où je signerai mes chèques toute seule… bon même si techniquement, je me fais mes virements toute seule puisque j’ai accès à tous les comptes. Niark niark, je suis machiavélique. Je pensais à quoi au fait ? Je ne sais plus… pourquoi il me regarde comme ça d’ailleurs ? Ha oui, il attend une réponse. – Je le terminais. Il sera sur votre bureau demain à la première heure. Comme s’il en avait douté de toute façon ! je fais toujours les choses proprement et comme il les veut. Même s’il ne le sait pas. Je le vois me regarder un instant avant de terminer son verre puis de se perdre dans la contemplation des nuages. – Dites-moi, je n’ai pas un truc aujourd’hui ? J’ai l’impression d’oublier quelque chose… grimace-t-il, et je le sens agacé par cette idée. Je ne prends même pas la peine d’ouvrir son emploi du temps, je me contente d’acquiescer, consciente que cette discussion va encore retarder la fin de mon rapport à écrire. Comme si je n’avais que ça à faire. – Vous parlez sans doute du dîner chez vos parents. – Ha non, soupire-t-il. Il m’énerve. Il ne peut pas m’écouter quand je parle ?! Je vois à sa tête que maintenant, il s’en souvient. Ce n’est pas comme si je lui en avais parlé ce matin… et hier… et avant de partir.
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