Chapitre 9

2071 Mots
"Tu pourrais le ménager, tu sais." J'entends une voix féminine dans ma chambre. Je me relève sur mes coudes et je tente de voir d'où peut bien provenir cette voix. Personne. C'est vraiment étrange, est ce que j'aurais pu imaginer qu'on me parle? Je dois simplement être plus fatiguée que je le croyais. "Non, ce n'est pas la fatigue." Rétorque la même voix. C'est comme si elle lit dans mes pensées, mais ce genre de chose est impossible. "Non ma grande, c'est tout à fait possible. Je m'appelle Ara. Je suis ta louve." J'éclate de rire. Elle est bonne celle là. Je ne sais pas ce que Drake a mis dans sa nourriture pour notre dernier repas, mais c'était puissant comme truc. Une louve, c'est quoi la prochaine blague qu'on va me faire? Que je suis un loup-garou depuis que je suis née et que je l'ignorais. "Je vois que tu commence à comprendre." Ajoute Ara. "Tu as besoin de viande rouge. Ça m'aidera à te soigner." "Noonnn!" Je m'exclame à voix haute. "C'est impossible. Si ce que tu dis est vrai, pourquoi tu ne t'es jamais manifesté auparavant? Voilà, je suis folle. J'entends des voix. Sûrement un effet secondaire de ce coma." Je me gifle pour être certaine que je suis bien éveillée et que je ne dors pas. Je suis surprise, par la violence du coup que je me donne. Je ne connais réellement pas ma force, il semblerait. La mauvaise nouvelle, par contre, c'est que je suis bien réveillée. Tout ceci est réel. "Tu veux bien arrêter ton petit mélodrame!" S'exclame Ara, excédée. "J'ignore ce qui m'empêchais de me manifester. Ta mort éventuelle a été suffisante pour briser ce qui me bloquait depuis très longtemps." M'informe-t-elle ensuite. "Donc, tu ouvres cette fenêtre?" "Non!" Je m'écrie. "Il est hors de question que j'ouvre cette fenêtre." "Tu l'auras voulu." Me prévient ensuite Ara. Je n'ai pas le temps de me demander ce qu'elle a voulu dire. Dans la seconde qui suit, je sens mes jambes se briser un à un pour se repositionner. Honnêtement, je souhaiterais de ne toujours avoir aucun sensation au niveau de mes jambes. C'est l'enfer à quel point j'ai mal. Que je le veuilles ou non, je hurles de douleur. Comme les loups peuvent endurer une telle souffrance à chacune de leur transformation, je ne comprends pas. Après celle-ci, il est hors de question que je subisses cette torture une autre fois. Du moins, pas volontairement, car il est maintenant clair que cette louve peut décider m'obliger. La porte de ma chambre s'ouvre brusquement. Drake qui a été alerté par mes cris c'est précipité pour voir ce qu'il se passait. Dire qu'il a l'air surpris est un euphémisme. Il s'arrête net, les yeux écarquillés, la mâchoire grande ouverte et il se met à bégayer, complètement sous le choc. Il sait très bien ce qui se passe avec moi. Je crois qu'il a encore plus de difficulté que moi à croire que cela puisse être réel. Finalement la douleur cesse. Je sens que je ne suis pas du tout au commande. Je suis simplement spectatrice de ce qui se déroule actuellement. Cette Ara a totalement pris le contrôle. Elle se place devant la fenêtre, puis elle grogne un peu pour faire comprendre à Drake de lui ouvrir la fenêtre de ma chambre. Il ne s'objecte pas. Il obéit, tout simplement. Dès que la fenêtre est ouverte, Ara saute à l'extérieur et elle commence à courir. Elle file comme le vent sans même regarder derrière elle. "Tu aurais pu me prévenir, ça fait un mal de chien." Je crie, en colère contre Ara. "Je t'avais prévenue." Me répond t-elle, simplement, sans cesser de courir pour autant. "C'est toujours mon corps, à ce que je saches." J'argumente ensuite. "Notre corps." Rectifie Ara. Je n'arrive pas à y croire. Elle fait partie de ma vie depuis à peine cinq minutes et elle joue déjà les tyrans. Je doute que l'on s'entende, elle et moi. Je n'apprécie pas réellement de devoir partager mon corps et ma tête avec une louve qui en a clairement rien à faire de mon avis. Peu importe ce que je pourrais faire maintenant, j'ai le sentiment que je suis coincée avec elle pour le reste de mes jours. "Arrête d'être aussi dramatique." Dit-elle pour m'interrompre dans mes pensées. "Je te promets que tu me remercieras, très bientôt." "Permets moi d'en douter." J'ajoute, boudeuse. "Et nous allons où comme ça?" Ara n'a toujours pas arrêter de courir. Je vois le paysage défiler sous mes yeux et je ne reconnais plus rien du tout. Tout ce que je peux dire, c'est que nous sommes à présent au coeur même d'une forêt. Je ne sais pas ce qu'elle espère trouver ici. Il n'y a absolument rien d'autre que des arbres, des feuilles mortes et l'obscurité. Si on me demande mon avis, j'étais beaucoup mieux et plus confortable dans mon lit qu'ici. "Je ne te le demande pas ton avis." Précise Ara. "Et nous cherchons un cerf, alors soit attentive." "T'as tout de même pas l'intention de manger un cerf que tu vas tuer?" Je lui demande, incertaine. "C'est exactement l'idée." M'informe-t-elle. "Beurk!" Je m'exclame, complètement dégoûtée. "Fais la fine bouche tant que tu le souhaites, ça ne changera rien au fait que nous allons nous régaler de ce cerf, une fois que nous l'aurons trouver. J'ai besoin de force pour te guérir et sans viande je n'y arriverai pas." M'explique Ara, le plus calmement du monde. "Très bien!" Je capitule. C'est évident qu'elle va faire ce qu'elle souhaite que je le veuille ou non, alors aussi bien coopérer. Par contre, je n'apprécie pas du tout de ne pas être au commande de mon propre corps. Je déteste cela en fait. Si c'est pour toujours être ainsi, je ne crois pas que je vais aimer être un loup-garou. Où est l'intérêt si à chaque fois que l'on se transforme un devient tout simplement un spectateur impuissant? Cela ne fait aucune différence en ceci et la vie que je menais auparavant. "Tais toi." M'ordonne soudainement Ara. "Droit devant." Ajoute-t-elle ensuite. Je reporte mon attention sur ce qu'il y a devant nous. Broutant, tout près d'un lac, il y a un cerf. Je ne pourrais dire s'il est jeune ou vieux, je n'y connais absolument rien. Je n'ai jamais chassée alors je n'avais aucun intérêt à m'informer ou m'intéresser aux cervidés. Je constate qu'Ara ne coure plus. Elle avance très lentement, en frôlant le sol. En fait j'ai l'impression qu'elle bouge au ralenti. Elle lève une patte et elle met une éternité avant de la reposer sur le sol. Je dois avouer qu'en faisant ceci, elle est totalement silencieuse, mais ça lui prend un temps fou à ne faire qu'un seul mètre. Lorsque le cerf remarque notre présence, il est déjà trop tard. Ara bondit et elle atterri directement sur l'animal. Elle n'hésite pas une seconde avant d'enfoncer ses crocs dans la gorge de sa proie. Le cerf tente de nous désarçonner, sans succès. Bientôt il n'aura même plus la force de se débattre. Quand, finalement le cerf tombe sur le sol, immobile, Ara ne le lâche pas immédiatement. Notre victime a encore quelque soubresaut, dû à ses nerfs qui ne sont pas encore mort puis c'est terminé. Je trouve un avantage à seulement être spectatrice. C'est qu'au moment où Ara décide de déchirer l'abdomen de la bête pour pouvoir se repaître à sa guise, je peux tout simplement arrêter de porter attention. Je suis beaucoup trop dégoûtée par ce qu'il se déroule devant moi pour vouloir assister à cela. Moi, l'humaine, j'ai envie de vomir. Par contre pour Ara, tout ceci semble divin. Je ne sais pas exactement combien de temps s'écoule. Tout ce que je sais, c'est que lorsque je sens qu'Ara se relève et que je reporte mon attention sur ce qu'il se passe, il ne reste presque plus rien de l'animal. Elle a entièrement dévorée. Ara repart ensuite en trottinant. Je comprends ce qu'elle voulait dire quand elle prétendait que la viande rouge lui donnerais des forces. J'ai l'impression que ce n'est plus du tout la même louve qui s'en va maintenant. Ce qu'elle dégage est complètement différente ce ce qu'elle dégageait avant de manger ce cerf. Je ne crois pas que je vais m'habituer un jour à manger des animaux, sans faire cuire leur viande, mais je ne ferai plus autant d'histoire la prochaine fois qu'Ara dit avoir besoin de viande rouge. "Merci!" J'exclame Ara. "Je suis heureuse que tu comprennes. Tu veux nous ramener à la maison?" Je sens qu'Ara se met en retrait, pour me laisser les commandes. Je suis étonnée qu'elle le fasse, mais en même temps j'en suis contente. Il y a si longtemps que je n'ai pas pu courir ou tout simplement marcher, que même si c'est à quatre pattes que cela se produit, je suis aux anges. Le seul problème, c'est que j'étais tellement concentrée à me plaindre, que je n'ai pas remarquée le chemin qu'Ara a emprunter. J'ai un peu honte, mais je dois avouer que je suis totalement perdue. Je n'ai aucune idée de la direction à prendre. "Droit devant nous." M'indique Ara. "Ne t'inquiète pas je vais te dire par où nous diriger." "Merci!." Je lui dis. Lentement, je me familiarise avec ma nouvelle condition. Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas marcher, que j'ai oublier quel effet cela fait. Au départ, je suis très maladroite. Je veux aller plus vite que la vitesse que je suis capable de gérer. Par contre, dès que je maîtrise mes mouvements, à nouveau, je suis comme une enfant qui se retrouve dans un magasin de confiserie. Lorsque je m'élance, j'ai la sensation d'être inarrêtable. Je prends peu à peu pleinement conscience de toute la puissance que ce corps possède. J'ai conscience également qu'Ara n'est toujours pas à son plein potentiel. Je n'ose imaginer tout ce que nous pourrions faire une fois complètement remise en forme. Sentir le vent sur mon visage, la terre sous mes pattes, le contrecoup que mes foulées créent lorsque j'entre en contact avec le sol, tout ceci fait que j'ai l'impression de revivre. Je ne réalisais pas à quel point cette liberté, celle de me déplacer comme bon me semble, sans dépendre de qui que ce soit, pouvait me manquer. Je suis coincée dans cette chaise depuis si longtemps que j'en avais oublier ce qu'on pouvait ressentir lorsque nous pouvons faire ce que nous voulons, quand nous le désirons. Maintenant que j'ai à nouveau goûter à ceci, je ne crois pas que je serai capable de m'en passer à nouveau. Je ne pourrai plus jamais retourner dans ce fauteuil sans amertume. Ma vie vient de prendre un tout nouveau départ. C'est du moins, comme cela que je me sens. "Ralentis." Me suggère Ara, gentiment. "Pourquoi?" Je lui demande sans pouvoir cacher ma déception de devoir cesser de courir. "Nous avons de la compagnie." M'informe-t-elle. Je stoppe net. Je ne suis pas certaine de comment je dois prendre la nouvelle. Est-ce une bonne chose que nous ayons de la compagnie ou je dois me méfiez? J'ai tout à coup l'impression d'être à nouveau un enfant qui doit tout apprendre du monde dans lequel il se trouve. Dans un sens c'est exactement ce que je vais devoir faire. J'ignore tout de ce que cela fait de vivre dans un monde peuplé de loup-garou. Je ne sais rien de leur façon de vivre, de leur coutume, de leur tradition. Tout ce que je sais d'eux, c'est ce que j'ai appris en étant en contact avec les chasseurs des Lames d'argents. Est-ce que je peux vraiment me fier à ce qu'ils m'ont appris? Que tous les loups-garous sont des monstres assoiffés de sang? Je n'ai pas l'impression d'être devenu une personne différente de celle que j'étais auparavant. Je peux maintenant me transformer, mais je n'ai pas plus envie de faire un m******e ou de tuer tout ce qui bouge. Il y a tant de choses que je ne comprends pas encore. "Je vais être là pour t'y aider. Maintenant nous sommes ensemble. L'une pour l'autre." Me rassure Ara. J'entends un branche se briser, un peu plus loin devant moi. Je me retourne pour regarder ce qui a causer ce bruit. Je suis nez à nez avec un très grand loup noir. Mon premier contact avec une autre personne comme moi.
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