La concubine retrouvée
_ Madok ? Tu es Madok Patel ? Demanda Lavina après avoir longuement jaugé le jeune homme à la stature impressionnante et à la beauté qui lui rappela le très convoité Conseiller qui officiait auprès de la cour.
Les premières secondes d’étonnement passées, le concerné s’avança vers elle, perplexe et interrogateur.
_ Je vois que vous connaissez mon nom ?
_ Oui, c’est bien toi, confirma la femme pour elle-même. En même temps, tu ressembles tellement à ton père, j’aurais dû savoir qu’il s’agissait de toi à la seconde où je t'ai vu…
_ Veuillez me pardonnez, mais je n’ai pas le souvenir que nous nous soyons rencontrés auparavant.
_ Il est vrai que la dernière fois que l’on s’est vu, tu étais si petit...
_ Mère de quoi parlez-vous ? lui demanda son fils qui ne comprenait rien à ce qui se passait, ni quels liens ces étrangers pouvaient avoir avec elle.
_ Si vous le dites, répondit Madok qui commençait à forcer sur sa mémoire afin qu’elle la remette, seulement, je n’en ai pas le moindre souvenir, j’en suis désolé.
_ Le contraire aurait été étonnant, reconnue Lavina qui voyait bien que le meilleur ami de sa fille, avait grandi en occultant une partie de sa mémoire, tant d’années sont passées depuis mon départ du palais…
À ces mots le second de Madok, celui qui se faisait appeler Heddy, intervint :
_ Madok, tu ne penses tout de même pas qu’il s’agit de la…
_ Très précisément, fit l’officier avec une expression difficilement déchiffrable. Vous êtes bien la concubine de feu le raja Azam, dit-il d’un air grave. Lavina Omran, fille de Chaeb Omran ?
_ Mère ! intervint à nouveau Devan qui ne comprenait pas un traître mot de ce que disaient ces hommes terrifiants. Dites-leurs qu’ils se trompent et que vous n’êtes pas celle qu’ils prétendent… vous… vous devez leur dire, mère !
Lavina garda le silence un instant. Son esprit s’était comme évaporé en entendant son nom et celui de son père. Il y a fort longtemps, que l’on ne l’avait appelé ainsi. Prise au dépourvu un instant, elle se ressaisit.
Elle aurait aimé prendre un moment pour expliquer les choses à son fils et le rassurer sur toute cette histoire, mais en réalité, elle se fichait complétement de ce qui pouvait advenir d’elle. Ce qui lui importait le plus c’était la sécurité de son petit, son bien-être et rien d’autre.
Par la faute du maharaja actuel, elle avait déjà perdu son mari bien aimé et sa fille chérie. Elle ne pourrait tolérer qu’un malheur s’abatte sur le seul être qui comptait encore pour elle dans ce monde.
Malgré, ou plutôt, en vertu de tout l’amour qu’elle portait à Devan, elle lui dit sur un ton aussi sec, que coupant :
_ Je ne suis pas ta mère, arrête donc de m’appeler ainsi… si je t’ai élevé, c’était par simple charité, alors montre-toi digne et reconnaissant en devenant un homme bien.
_ Mais enfin, mère !
Alors que le garçon avait voulu la rejoindre pour s’expliquer, le maître l’arrêta aussitôt. Sans qu’elle ait eu besoin de lui parler ou lui faire de signes, il comprit sa manœuvre de protection et y participa. En même temps, quand elle était arrivée au domaine, enceinte, c’était cet homme, tout juste veuf, qui l’avait pris en pitié et qui l’avait gardé sous sa protection. Et une fois que son enfant avait vu le jour, ce commerçant pourtant loin d’être sans reproches, l’avait adopté et l’avait élevé comme si c’était le sien
.
Rassurée de voir que même dans ces conditions, le maître la soutenait, elle continua à l’intention de ses poursuivants :
_ Écoute, je reconnais avoir fui le palais, et je répondrais de tous les actes qui me sont reprochés, devant le maharaja, dit-elle à Madok qui ne la quittait plus des yeux. Laisse-donc ces gens en paix, je t'en prie. Ils ne sont pour rien dans toute cette affaire, et ils n’étaient au courant d’aucun fait, me concernant.
_ Rassurez-vous madame, fit le jeune officier sur le même ton respectueux et avenant, si je suis un loyal sujet de mon souverain, ce n’est pas en son nom que je suis là, aujourd’hui. En réalité, c’est pour mon amie de toujours que je suis à votre recherche.
_ Je ne saisis pas, fit Lavina un peu perdue.
_ Je suis ici pour la rani Anisha. C’est à sa demande que je vous ai retrouvé, et c’est aussi pour elle que…
Le jeune homme n’eut pas le temps de finir sa phrase, ni même d’expliquer la raison de sa présence plus en détails, que le cœur de la pauvre femme se mit à battre comme jamais et que ses jambes la lâchèrent soudainement.
_ Madame, la retint Madok qui, grand heureusement, était tout près et qui pu la rattraper avant qu’elle ne s’effondre.
_ Mère ! Que vous arrive-t-il ?! accourut Devan en catastrophe.
_ Lavina, est-ce que tu vas bien ? demanda le propriétaire des lieux qui avait suivi son fils adoptif et qui semblait tout aussi inquiet pour son état.
_ Éloignez-vous, leur commanda Madok, elle a besoin de respirer. Donnez-lui de l’espace…
N’ayant pas perdu totalement connaissance, Lavina prit la main de l’officier, et le supplia du regard.
_ Peux-tu répéter ? S’il te plaît, redis-moi ce que tu as dit à propos de ma fille…
_ Je suis là de sa part, la rassura Madok qui comprit qu’elle se trouvait dans l’incertitude la plus totale quant au sort de son premier enfant. Anisha se trouve actuellement à Montéry, dans le royaume de Targat.
Les larmes que Lavina s’était tant interdites de par sa culpabilité, se frayèrent un chemin jusqu’à embuer ses grands yeux. Son cœur se desserra et pour la première fois depuis des années, des sanglots secouèrent sa poitrine.
Sa fille était en vie…
Malgré ce qu’on avait tenté de lui faire croire sur ce bateau de pirates, son enfant était encore de ce monde.
Et non seulement elle n’était pas décédée, mais elle la cherchait. Elle, qui s’était contenté de croire ces vendeurs d’être humains et de perdre espoir.
Si seulement…
Si seulement, elle n’avait pas pris leurs paroles pour vérité unique, et si elle s’était battue pour tenter d’en savoir plus, elle aurait sûrement découvert le fin mot de l’histoire.
En y repensant, ces sans-cœur s’étaient peut-être joués d’elle, afin qu’ils puissent vendre sa petite tranquillement. Ils s’étaient sûrement dits, qu’en lui faisant croire qu’elle était morte, elle ne tenterait par de fuir pour la retrouver…