VI Slaves et Germains Le premier thé, avec tartines au beurre, se servait exactement à neuf heures du matin sur la table de la salle à manger des frères Johausen. L’exactitude « poussée jusqu’à la dixième décimale », comme ils le disaient eux-mêmes, était l’une des qualités principales de ces riches banquiers, dans la vie courante comme dans les affaires, aussi bien quand il s’agissait de recevoir que lorsqu’il s’agissait de payer. Frank Johausen, le frère aîné, tenait surtout à ce que les repas, les visites, le lever, le coucher, fussent réglés militairement, et aussi, sans doute, les sentiments et les plaisirs, tels les articles du grand-livre de sa maison de banque, l’une des plus importantes de Riga. Or, ce matin-là, à l’heure dite, le samovar ne se trouva pas en état de fonctionner