La décision d’Anisha
La nuit d’Anisha fut longue et tortueusement peuplée de cauchemars en tous genres.
C’était sûrement dû à la colère et à la frustration qu’elle avait ressentie en voyant que le souverain, n’avait plus donné de signe après son départ. Même si elle s’était persuadée que sa place n’était plus à ses côtés, la jeune femme avait espéré qu’il la rejoindrait dans la nuit.
L’écervelée qu’elle était, avait secrètement attendu de lui qu’il délaisse Faith de Saragon et qu’il la rejoigne. Ou plutôt, qu’il la choisisse d’une certaine manière.
Après tout, c’était lui qui lui avait proposé de passer un dernier moment avec elle, un moment que tous les deux pourraient chérir. Un souvenir de leur amour inachevé qui traverserait les âges et les événements à venir.
« Tu rêves comme toujours, se morfondit Anisha en sortant de son lit et allant directement à la fenêtre dont les rideaux occultaient le plus gros de la lumière. Quand arrêteras-tu, donc, d’espérer de la sorte. Tu devrais plutôt remercier Helias de ne pas être venu. Car si c’était le cas, tu te serais rendue coupable de la seule chose que tu ne voulais pas. Devenir la maîtresse d’un homme marié... »
D’une main lasse, elle tira sur le tissu et une lumière vive pénétra dans la grande chambre. La jeune femme qui avait été forcée de fermer les yeux par les intenses rayons, les rouvrit à moitié.
Après un soupir lourd, elle se dit qu’elle devait se reprendre et ne plus laisser Helias s’ingérer dans ses pensées, ni dans ses sentiments.
Elle l’aimait certes, mais il en avait choisi une autre et rien que pour cela, elle se devait de tirer un trait sur lui et sur leur histoire.
Puisque qu’elle n’était plus aussi raffermie dans sa volonté, et que dès qu’elle se trouvait près du roi, ses sentiments et son désir la dirigeaient, elle devait partir au loin et vite.
Forte de cette constatation, elle alla à son pupitre et prit de quoi rédiger sa réponse à l’ambassadeur.
Si Helias et lui pensait qu’il valait mieux qu’elle reste au palais, elle, ne voyait pas les choses ainsi. Et plus vite, elle s’en irait de Montéry, plus vite, elle pourrait se remettre de cet amour douloureux.
Une petite heure plus tard, quand Lorelie arriva pour l’assister, elle s’étonna de trouver la princesse déjà lavée et prête.
_ Écoute, je sais que l’on m’a prescrit le repos, fit Anisha en se saisissant de sa lettre et en enfilant ses gants, seulement, je vais étouffer si je reste ici une seconde de plus dans cette chambre. Je vais sortir me promener un peu et prendre le soleil tant qu’il ne fait pas trop chaud.
_ Mais madame, sa majesté a dit…
_ Je n’en ai que faire. J’ai besoin de me dégourdir les jambes et de m’aérer l’esprit. Et alors que la camériste allait tenter de lui faire entendre raison, la jeune femme alla ouvrir la porte.
Avant que les gardes assignés à sa surveillance ne parlent avec elle, Anisha les arrêta.
_ Écoutez messieurs, si vous ne voulez pas me laisser seule, vous n’avez qu’à me suivre, mais ne comptez pas sur moi pour rester enfermé une seconde de plus.
_ Madame, nous avons nos ordres et l’on ne peut vous laisser sortir sans une autorisation de notre souverain.
_ Soit. Suivez-moi donc jusqu’à lui afin que je lui demande ce laissez-passer, dans ce cas.
_ Madame… ce n’est pas comme cela que…
_ Quoi ?! s’emporta la princesse qui se sentait comme asphyxiée. Vous voulez une autorisation, mais vous ne me laissez pas aller vous en chercher une, c’est un comble ! De plus, je ne suis pas prisonnière, si l’on m’a gardé dans cette chambre, c’était pour mon bien-être, et ce même bien-être se retrouve corrompu par cet enfermement abusif. Allez-vous comprendre à la fin ?!
_ Je vois que vous faites toujours autant de grabuge sur votre passage, lui fit remarquer Callen qui était apparu au milieu du couloir, le regard amusé.
_ Callen, c’est vous ? fit Anisha penaude tandis qu’il s’avançait vers elle.
_ Je me porte garant de ma chère belle-sœur, leur dit le jeune homme en offrant son bras à cette dernière. Puis à son intention, vous vouliez vous promener, n’est-ce pas ? Alors, permettez-moi de vous accompagner ?
Anisha aurait voulu sortir seule pour réfléchir un peu à ses décisions pour la suite, et surtout pour s’aérer la tête, mais au vu de la situation, elle ne pouvait faire la difficile.
_ C’est fort aimable à vous, cher beau-frère, répondit Anisha sur le même ton, un peu plaisantin.
_ Vous vous êtes montrée bien trop calme ces derniers temps, continua Callen avec une pointe d’humour et alors qu’ils se dirigeaient vers l’escalier, de vous revoir sortir à nouveau les griffes, me fait dire que vous n’avez rien perdu de votre tempérament.
_ Je… je ne voulais pas m’emporter de la sorte, se justifia la princesse un peu prise en faute, c’est juste que… j’en avais assez de rester enfermée.
_ Oui, c’est assez compréhensible. Moi-même, je ne sais pas comment je réagirais à votre place. Mais, ne soyez pas inquiète, très bientôt, vous pourrez à nouveau circuler comme bon vous semble dans le palais.
_ Oui, le temps que vous vous assuriez que ce qui m’est arrivé, n’est pas le fait d’une main criminelle.
Callen, s’arrêta un instant. Il posa un regard interrogateur sur l’ancienne concubine de son frère.
_ De quoi parlez-vous, madame ? Si l’on vous a conseillé de rester dans vos appartements, c’est avant tout pour votre repos. Helias a pris en considération, votre état, rien de plus.
_ Vous pensez que je ne m’aperçois de rien ? demanda Anisha en reprenant la marche. Mon cher beau-frère, je suis loin d’être une simple d’esprit, et si vous n’aviez pas des doutes concernant les derniers évènements, vous n’en garderiez pas l’issue, secrète.
_ Vous vous faites des idées, madame. Enfin, nous avons bien vérifié certaines choses par principe de précaution, mais nous ne soupçonnons personne de s’en être pris à vous.
Anisha ne connaissait pas Callen depuis longtemps, et peut-être à cause du fait qu’il s’était toujours montré vrai avec elle, là, elle décela comme du mensonge dans sa voix.
_ De toute façon, cela ne change rien à présent. Que mon état ait été dû à un tiers, ou simplement dû à mes propres manquements, on ne peut revenir en arrière…
_ Anisha, l’arrêta Callen tandis qu’ils allaient descendre les marches du grand escalier central, vous n’avez eu aucun manquement. Ce sont des choses qui arrivent tous les jours, et cela, même avec toutes les précautions du monde.
_ C’est vous qui dites cela ? Vous avez pourtant été l’un des premiers à me reprocher toutes les négligences que j’ai imposées à mon enfant, et ce, depuis le début. Entre les privations de nourriture, la fuite du palais et les énervements continuels, il y avait peu de chance qu’il puisse s’en sortir indemne…
_ J’ai dit bien des choses, c’est vrai. Seulement, reconnu Callen avec humilité, je n’ai jamais pris la peine de me mettre à votre place. Du haut de mon insensibilité et de ma bêtise, j’ai trouvé facile de vous blâmer et aujourd’hui, je m’en excuse platement…
_ Vous n’avez rien fait de plus que de me dire des choses sensées. C’est moi qui ai été bête de ne pas y avoir porté attention. Enfin, il serait plus juste de dire que même si je m’étais rendue compte de mon entêtement et de mes travers, à ce moment-là, je ne pouvais rien contre les déferlantes de sentiments qui avaient été les miens…