UN ROI CRUEL Tome 3

Conviée

Conviée

Les demande d’audiences s’accumulaient sur le pupitre de Helias et il avait l’impression que tout le monde le sollicitait de toute part.

Bien qu’il avait permis à sa future femme d’intégrer le royaume afin qu’elle le déleste des préparatifs de leur mariage, il devait tout de même en régler une bonne partie.

Le corps fatigué et la tête prise par toutes sortes de problèmes, en particulier par le départ quasi imminent d’Anisha, il n’avait qu’une envie, c’était s’enfermer quelques heures, seul avec lui-même.

En voyant Cocin entrer dans son bureau le visage contrit, il comprit que ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait se permettre ce repos de l’esprit. Comme quasiment tous les jours à cette heure, son valet accourait pour l’avertir qu’il était attendu pour déjeuner avec sa fiancée.

_ Laisse-moi deviner, la princesse veut déjeuner avec moi, supposa le souverain en se laissant tomber sur sa chaise. L’excuse du mariage n’a plus lieu d’être, tout a été réglé, il me semble.

_ Je suis désolé, monsieur, j’ai bien tenté de lui expliquer que vous n’aviez plus une minute à vous, mais madame insiste. D’ailleurs, elle vous fait dire que vous aurez une invitée.

_ Comme si déjeuner avec elle, n’était pas assez pénible comme ça, lâcha Helias dans un moment de relâchement.

Son valet toussota pour lui signifier qu’il sortait des limites de la bienséance et une fois qu’il vit que le souverain s’était repris, il continua :

_ Majesté, l’invitée en question est la princesse d’Albatra…

Le regard du jeune roi changea du tout au tout. Son dégoût de la seconde d’avant, se mua en une joie qu’il eut de la peine à cacher.

_ Si sa majesté est trop prise, je peux tenter de décommander ? le taquina Cocin qui le toisa avec un sourire en coin.

_ Non ! Bien sûr que non. Maintien le déjeuner et l’invitation. Je me libère de ce pas pour rejoindre ces dames.

Après le départ de son valet, Helias se demanda néanmoins, ce qui avait pris à Faith de convier Anisha, et surtout, par quel miracle, cette dernière avait accepté ?

Comprenant qu’il n’aurait pas la réponse à sa question en restant là, le jeune homme referma les rapports sur lesquels il planchait et se leva de sa chaise.

En arrivant dans le salon, où allait avoir le déjeuner, il fut surpris de ne voir qu’Anisha assise à table. Il questionna Cocin du regard, et ce dernier accouru.

_ Majesté, madame met surement un peu de temps à se préparer.

_ Je vois, fit Helias en ne lâchant pas son ancienne maîtresse d’un regard émerveillé.

Dieu qu’elle était belle ainsi drapée dans cette robe d’un or clair, qui soulignait celui de ses yeux. Ses cheveux relâchés, ondulaient sur ses épaules, nues d’un côté. Dès qu’elle vit l’homme entrer, la belle chère à son cœur, se leva pour l’accueillir dans une révérence.

_ Sire, je crois bien que je suis en avance…

_ Non, tu es à l’heure rassure-toi. Faith a sûrement été retenue pour une quelconque raison…

_ Oui, je comprends.

_ Ça m’a étonné d’apprendre que tu serais là, lui avoua le souverain en passant derrière sa chaise et en l’aidant à se rasseoir.

_ Disons que votre femme a quelque peu insisté. D’après elle, puisque j’allais partir sous peu, elle voulut m’avoir à votre table une dernière fois.

_ Oui, avoua-t-il un peu penaud, j’ai pris la liberté de lui dire la raison qui t’avait amené dans ma chambre, hier soir. Je lui ai expliqué que tu allais partir bien plutôt que prévu…

_ Cela va de soi. Il fallait bien la rassurer, après la scène qu’elle a vue.

Anisha avait dit cela sur un ton calme et faussement compréhensif, seulement, il sentait que ce n’était qu’une façade. Il pouvait entrevoir dans les éclats qui illuminaient ses iris, qu’elle lui en voulait de l’injuste rôle qu’il lui faisait jouer.

_ Il n’y en avait nul besoin… contrairement à l’idée que tu te fais d’elle, Faith est une femme indulgente. Sa mission dans ce palais est claire, et il ne lui viendrait pas à l’esprit de m’interdire de voir quelqu’un d’autre.

_ Elle a l’air exceptionnelle, en effet, approuva Anisha sur un ton qui lui sembla ironique.

_ Je sais que tu n’en penses pas moins mais…

_ Du tout. L’abnégation dont elle fait preuve est digne d’une grande reine, il n’est pas donné à tout le monde d’avoir autant de compréhension.

_ Anisha…

***

Sérieusement, que voulait-il qu’elle lui dise au juste ?

Helias avait fait son choix alors pourquoi il cherchait une certaine approbation, de sa part à elle. Si elle s’était inquiétée du comportement de cette femme, au départ, c’était avant tout parce que son enfant allait grandir en ces lieux.

Aujourd’hui, plus rien lui importait…

Le souverain n’eut pas le loisir de formuler sa réponse que la concernée apparut dans l’embrasure des grandes portes restées ouvertes.

_ Je suis vraiment navrée, Sire, s’excusa la fiancée de Helias en les rejoignant, les couturières ont dû refaire quelques retouches de dernières minutes sur ma robe de cérémonie…

_ Ce n’est rien, lui dit le roi en se levant pour l’accueillir. Puis en faisant signe à Cocin de commencer à servir, nous venons d’arriver, nous aussi.

Anisha salua Faith d’un signe de tête avant de relever son apparence apprêtée. Bien sûr, il était de bon ton de faire un effort, seulement là, elle avait l’impression que cette femme se rendait à un bal.

La magnifique toilette en soie bleue qu’elle portait, mettait ses yeux émeraude en valeurs, ainsi que son teint d’albâtre. Coupée en forme bustier, elle était ornée de cristaux fins de la même couleur. Les cheveux relevés de la princesse, étaient parés de fleurs, et son cou long, était cerclé de bijoux de toutes beautés.

Anisha aussi avait choisi quelque chose d’un plus habillé pour ce soir, mais à cet instant, elle se sentait juste ridicule. Elle était loin de pouvoir rivaliser avec cette femme à la prestance innée.

_ Mon cher roi, dit-elle après avoir salué leur hôte d’un sourire, je me suis permise de convier la princesse… j’espère que vous ne m’en voulez pas.

_ Il n’y a pas de quoi, vous êtes libre d’inviter qui vous voulez, madame.

_ Ma sœur vous remercie pour la proposition, lui dit Anisha dans la foulée, seulement, elle se sentait quelque peu fatiguée.

C’était l’excuse que Dalia avait donné lorsque sa sœur lui envoya un des gardes, mais en réalité, elle ne voulait juste pas avoir à déjeuner avec cette personne, qu’elle trouvait foncièrement mauvaise.

_ Oui, il est vrai qu’elle aussi doit avoir beaucoup à faire. Son mariage aura lieu, juste après le nôtre, à ces mots, elle posa une main sur celle de son futur mari et le couva d’un regard aimant. Au fait à ce propos, sa majesté m’a dit que vous serez parti juste avant, j’espère tout de même pouvoir vous compter parmi nos invités ?

Voilà donc pourquoi elle l’avait fait venir à ce déjeuner, pensa Anisha prise au dépourvu. C’était pour la coincer à ce sujet.

_ Madame, intervint Helias, Anisha a sûrement bien à faire…

_ Oui, mais c’est un évènement important pour tout le royaume, et en tant que parente et amie, il est normal qu’elle soit présente, vous ne croyez pas ?

_ Il aurait été normal que je vienne, en effet, répondit la jeune femme mal à l’aise, seulement en tant que veuve de Clarence, je ne pense pas avoir ma place à cette cérémonie.

_ Mais que dites vous ? Personne ne vous tient responsable de quoi que ce soit, ma chère. Et ce jour-là, tout le monde sera bien trop occupé à festoyer, ils auront vite fait d’oublier qui vous êtes vraiment…

_ Je ne sais pas…, d’ici là, je serais peut-être rentrée chez-moi…

_ Vous n’allez pas rentrer alors que votre sœur se marie dans la foulée, voyons. Le plus pratique serait de rester en ville, et d’assister aux deux événements avant de rentrer à Albatra…