La vie reprend ses droits
Cela faisait deux jours que leur père avait été inhumé et ni Dalia, ni Anisha n’avait pu trouver le sommeil ou le repos après cela.
Comme l’auraient fait des adultes, elles avaient fait face à ce moment difficile, que sont les funérailles d’un proche.
Devant les amis de leur père et le voisinage, elles gardèrent une certaine contenance.
Ne pleurant que doucement quand cela devenait trop dur, et en n’oubliant pas de remercier convenablement les uns et les autres pour leur venue et leur soutien.
En même temps, leur attitude un peu distante ne fut pas difficile à jouer, c’était comme si elles ne réalisaient pas encore ce qui était arrivé.
Rio leur avait proposé de venir habiter avec lui et sa femme, mais les jeunes filles déclinèrent. Elles avaient un toit et en travaillant dur, elles allaient faire en sorte de subvenir à leurs propres besoins.
Dali s’occuperait de la maison et du potager, et Anisha reprendrait l’activité familiale.
Elle savait nager, avait le matériel, il ne lui restait plus qu’à se lancer et faire aussi bien que son père.
_ J’irais vendre tes prises sur les étalages, lui dit Dali alors qu’elles restaient assises devant la cheminée à discuter de leur avenir.
_ Ça te fera beaucoup trop de travail, jugea Ani en lui servant une tasse de thé. Je peux m’en charger.
_ N’oublie pas que tu ne peux pas vadrouiller à ta guise, lui rappela sa sœur en écarquillant ses grands yeux bleus. Si tu attires l’attention sur toi, tu risques d’avoir de sérieux ennuis.
Elle ne pouvait pas la contredire, seulement, elle aussi, n’était pas vraiment à l’abri de tout danger.
_ Je demanderais à Rio de les vendre pour nous dans ce cas. En échange, je lui offrirai un peu de ma prise.
_ Tu sais qu’il le ferait même sans ça.
C’était vrai, seulement elle ne voulait dépendre de personne et tout service qu’on lui rendrait, le sera contre un salaire.
_ Oui, mais je préfère que les choses aillent ainsi. Comme le disait père, il n’est jamais bon de trop encombrer les autres avec ses problèmes.
Dalia la considéra d’un regard plein d’inquiétude.
Ani comprenait ses craintes et ses questionnements et comme pour la rassurer sur ce qui les attendait, elle lui sourit doucement…
En rangeant les affaires de son père, Anisha tentait de réfléchir à ses paroles.
Des paroles claires, mais surtout très censées.
Il n’était pas bon qu’elles restent seules sans présence masculine.
Elles étaient orphelines et vivaient à l’écart de tout, si on voulait s’en prendre à elle, il n’y avait rien de plus simple.
Se forcer à prendre un époux la répugnait au plus haut point, mais elle devait considérer cette option, pour le bien de sa sœur.
_ Tu es tombé sur la tête ? Lui demanda Dalia quand elle lui fit part de son projet ? Pourquoi tu voudrais te marier avec quelqu’un d’autre que Lori ? Il est prince je te signal.
_ Redescends sur terre, la raisonna-t-elle à nouveau. En considérant que ce garçon soit Lori, son avenir et son mariage est déjà tout tracé. Sa famille à sûrement dû organiser son union avec une personnalité du même rang que lui.
_ Ce n’est plus comme ça que ça se passe de nos jours !
_ Crois-moi, s’il venait à ramener une vilaine, qui plus est, différente ethniquement, sa famille ne l’acceptera jamais.
Dali soupira avant de baisser la tête de résignation.
_ C’est juste que j’ai beaucoup de mal à t’imaginer avec l’un des gars du village.
_ On fera au mieux.
_ Mais pour qui ? Si c’est pour me protéger que tu fais ça, je préfère encore que tu arrêtes tout.
_ Je ne le fais pas pour toi, lui assura la jeune fille en se levant de son fauteuil, afin que sa cadette ne voie pas le mensonge s’afficher sur son visage.
_ Si seulement je pouvais rentrer au palais, continua Dalia, j’irais lui demander à Lori, ce qu’il pense de tout ça…
Avant d’en parler à Rio, qui sera du coup le tuteur qui la mariera, Anisha devait se constituer une dot solide. Sans quoi, il n’était pas dit qu’elle trouve quelqu’un.
Dans son genre elle n’était pas non plus hideuse, mais elle avait conscience qu’elle était loin d’être au goût des garçons de l’île.
Ces derniers avaient une idée bien arrêtée sur la beauté. Et si l’on ne correspondait pas à la fille typique de la région, on n’avait aucune chance d’être regardée. Et encore moins d’être mariée.
_ Je commencerais à plonger dès demain, dit-elle à sa sœur alors qu’elle venait de se mettre à table, dans l’unique pièce de vie que constituait le rez-de-chaussée.
_ Tu n’es pas obligée de reprendre si tôt, on a encore des réserves.
_ Je ne vais pas attendre que l’on manque de quelque chose pour sortir travailler. Et puis plus vite on prendra nos nouvelles marques, plus vite on s’habituera…
Dalia baissa la tête, le visage défait.
_ Je ne pense pas que l’on ne puisse jamais s’habituer... Comme l’on ne s’est jamais habituée à l’absence de maman…
_ Tu as raison, soupira Ani en baissant la tête à son tour. Jamais on ne pourra faire comme si leurs absences étaient normales. Mais on peut leur montrer que l’on sait se débrouiller et que nous sommes dignes de tout ce qu’ils nous ont appris…
_ Tu as raison, la soutint Dali qui comprenait que dans ces mots prononcés, il y avait avant tout une volonté de s’encourager elle-même. On sera digne d’eux…