Le retour de Lori

871 Mots
Chapitre 6 : Le retour de Lori Le chant du coq se fit encore plus matinal que les autres jours, et alors que le ciel était encore teinté d’encre sombre, Anisha se leva.  Il était temps pour elle de reprendre le flambeau et subvenir à leur famille. De se montrer à la hauteur des responsabilités qui étaient désormais les siennes. Elle s’assit sur le rebord de son lit durant une bonne minute, le temps d’émerger. Dalia dormait profondément, son corps recroquevillé sur elle-même, c’était comme si elle avait froid. Sans un bruit, Ani se leva et alla remonter les couvertures sur ses épaules. C’était à elle de veiller sur sa sœur à présent, songea-t-elle en balayant l’une des mèches dorées qui lui couvrait le visage. En passant devant la porte la chambre de son père, elle marqua un arrêt. Tout doucement, et même si cela pouvait sembler absurde, elle ressentit le besoin d’y entrer un instant. _ Père, je ferais de mon mieux aujourd’hui, dit-elle doucement en passant ses mains sur les draps vieillis par des années de confrontations avec la planche à laver. Et pas d’inquiétude, je ferais attention… Après une brève toilette matinale, elle se rendit dans la cuisine qui était dans un coin de la pièce de vie, et s’attela à la préparation d’un petit-déjeuner.  _ Tu aurais dû me lever, je l’aurais fait, grommela Dali qui venait de la rejoindre. _ Tu t’en chargeras les prochaines fois, allez viens manger un peu. Elle déposa un grand bol de soupe fumante devant sa sœur, puis retira son tablier et se dirigea vers l’escalier menant à l’étage. _ Je serais de retour avant midi, durant ce temps, tu peux commencer à désherber le fond du potager. Voyant qu’Ani comptait partir sur le champ, Dali lui demanda : _ Tu n’attends pas d’y aller en même temps que Rio ?  _ Si je veux ramasser un maximum de coquillages avant la marée, je dois y aller dès le lever du jour. _ Bien, mais fait attention à toi. Après un sourire à sa sœur, Ani alla se parer de son plus vieux chiton, prit ses paniers et ses cordes, puis quitta la maison.  Un vent froid vint lui fouetter le visage et malgré l’épais manteau de laine qu’elle portait, elle frissonna.  _ L’eau promet d’être vivifiante, aujourd’hui… Une fois assise sur le gros rocher qui allait lui servir de point d’amarrage pour ses cordes, la jeune fille jeta un œil à la cité qui s’éveillait au loin.  Dans le ciel encore privé de rayons de soleil, la fumée qui s’échappait des fortifications, donnait l’impression que les hauts murs de pierres débordaient de nuages.  Entourée de la mer sur sa plus grande partie, la cité comptait aussi le port le plus grand de l’île. C’était ce fameux port qui constituait la richesse de leur petite principauté.  À cette réflexion, le souvenir de Lori dans ce fiacre lui revint en tête. Et comme à chaque fois qu’elle pensait à lui depuis quelques jours, elle se rembrunit.  Il était indéniable qu’il lui avait menti, qu’il l’avait trompé sur son identité, mais le pire, fut le dédain avec lequel il les avait regardés ce jour-là.  Cette expression orgueilleuse était à des lieues de la personnalité simple et enjoué du garçon qu’elle connaissait. _ Si c’est vraiment un noble, que venait-il faire aux abords de notre modeste village ? Se demanda-t-elle à voix haute et tout en attachant ses paniers à ses cordes. _ Peut-être pour te voir, résonna un timbre familier juste derrière elle.  Les yeux complètement écarquillés et le cœur battant, elle se retourna vers Lori qui se tenait debout à côté du grand rocher.  Machinalement, elle inspecta le garçon, qui n’avait plus rien de ce qualificatif.  Son corps avait pris plus de hauteur, ses épaules fortement élargies et son visage avait perdu tout trait juvénile.  Ses vêtements étaient loin d’être aussi riche que ceux qu’il portait dans ce fiacre, mais il restait d’une manufacture qu’aucun citoyen moyen ne pouvait s’offrir.  La bague frappée de l’emblème princier qui ornait sa main, tandis qu’elle tenait le col de sa veste en velours pourpre, ne lui laissa plus aucun doute sur son identité véritable. Mal à l’aise comme jamais, elle mit sa colère contre lui de côté et courba l’échine devant celui qui fut un jour, son ami. Les pas de Lori se firent à peine entendre, et quand il la prit par le bras pour la redresser, la jeune fille sursauta. _ Ani… tu n’es pas obligée de faire ça, on est tout seul, ici. Comme pour lui apporter une confirmation supplémentaire, ces mots lui rappelèrent que le fossé qu’il y avait entre leurs mondes dorénavant, était aussi vaste et profond que cette étendue d’eau devant eux. _ Je suis vraiment heureux de te revoir, continua-t-il sans écarter son regard d’elle, ni même lâcher son bras. Ça faisait longtemps… Sans répondre, Anisha gardait la tête baissée.  Sérieusement, que voulait-il qu’elle lui dise ? Soupira-t-elle intérieurement.  Il n’était plus cet ami qui l’avait laissé pour aller servir sous le drapeau du roi de Targat, royaume dont ils étaient feudataires.  À présent, il était prince et elle, une simple vilaine. Qu’espérait-il en revenant la voir ?
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