La réponse

1226 Mots
La réponse Le château se retrouvait sens dessus dessous, et intendants comme domestiques, se hâtaient pour collaborer avec les nouveaux maîtres des lieux. Après la stupeur générale, chacun eut à cœur de faciliter les choses pour leur reine qu’ils sentaient prise en otage par son nouveau statut. Izia voyait tous les efforts que ses sujets faisaient, et pour les aider, elle resta auprès des régisseurs principaux afin de coordonner ce qui devait l’être. D’un certain côté, elle préférait encore rester active et ne pas trop penser à tous ces chamboulements dans sa vie. Elle sentait au fond d’elle, que si elle s’isolait pour pleurer la mort de son père et la perte de son pays, elle ne se relèverait pas de sitôt. Et puis, il y avait son frère aussi. Elle n’oubliait pas que dans peu de temps, elle serait amenée à faire à nouveau face à Soren Daskar. Izia allait devoir lui donner une réponse. Si elle avait déjà pris sa décision, une décision évidente au vu de la menace qui planait sur son cadet, elle n’en restait pas moins anxieuse quant au déroulé de l’entrevue. Cet homme nourrissait un grand mépris pour son peuple et elle, et si aujourd’hui elle avait quelque chose à marchander, dans peu de temps, elle n’aura plus rien à proposer à ce tyran, en échange d’une éventuelle exigence insensée. _ Majesté, l’interpela Stefen, le second d’arme du roi ennemi, j’aimerai que me soit remis les clés des reserves palatales, ainsi que ceux des coffres. _ Pourquoi en avez-vous besoin ? J’ai déjà obtempéré et j’ai donné l’ordre que vous soient livrées toutes les denrées que vous avez exigé. Et pour les coffres, il s’agit du trésor du pays tout entier, je ne peux les céder au premier venu… _ Je suis mandaté par le nouveau roi du pays, majesté, alors croyez-moi, je ne suis pas le premier venu. Puis en me remettant les clés, vous n’aurez plus à vous soucier de quoi que ce soit en ces lieux. Vous pourrez vous concentrer sur les choses essentielles qui incombent à une reine de votre stature, fit-il en s’inclinant pour lui témoigner son respect, malgré sa demande. Une reine de sa stature ? Que peut bien faire une telle reine ? A cette question, la réponse s’imposa d’elle-même. Faire de la figuration et porter au plus vite l’enfant de Soren. Voilà ce qui était attendu d’elle. _ Très bien, céda la jeune femme qui eut l’impression qu’on la dépossédait de toute sa vie. Mais puis-je vous demander un service, en retour ? _ Si cela est dans mes cordes, je me ferais un devoir de vous servir, ma reine. L’homme aux traits tirés par la fatigue, faisait de grands efforts pour se montrer le plus avenant possible. C’était une chose que Izia avait remarqué plus tôt dans la journée, quand elle fut contrainte d’aller discuter avec Soren. _ J’aimerai que vous m’emmeniez auprès de mon frère… je veux le voir. _ Que sa majesté me pardonne, mais ce n’est pas dans mes prérogatives. En fait, c’est auprès de notre roi, qu’il faut faire cette doléance. Lui seul pourra vous accorder ce privilège. _ Je ne demande pas à rester seule avec lui, ou quelque chose du genre, insista la jeune femme qui trouvait qu’on exigeait beaucoup de ses gens et elle, mais qu’en face, il n’y avait aucune bonne volonté. Je veux juste le voir, même à travers des barreaux… _ Il me semble que mon maître vous attend d’ici peu, pourquoi ne pas formuler votre requête à ce moment-là ? lui conseilla Stefen avec une expression contrite. Oui ce n’est pas comme si elle n’y avait pas pensé, mais elle se souvenait que très bien de sa confrontation avec cet homme, et pour son salut, elle préférait le solliciter le moins possible. _ Bien, majesté, si vous n’avez rien d’autre à me demander… N’ayant d’autre choix que de faire ce qui lui était demandé, Izia s’exécuta avant de monter affronter son mari… Trois petits coups frappés à la porte, et voilà que Bart lui ouvrait, le visage gêné. _ Sa majes…, je veux dire, le roi demande à ce que vous alliez le voir, lui dit le domestique un peu penaud et après qu’il l’a annoncé à son nouveau maître. _ Emmène-moi jusqu’à lui… _ C’est que… on m’a demandé de disposer, majesté. Une chaleur empourpra les joues de la malheureuse qui comprit qu’elle allait à nouveau se trouver seule avec cet acariâtre. Elle aurait pu exiger que le suivant qui fut débauché par son époux, reste, seulement, elle se souvint que ce dernier l’avait embrassé devant le pauvre bougre et sans le moindre égard. _ Très bien, lui dit Izia qui eut à cœur de faciliter le travail, déjà pas évident, de son sujet, tu peux te retirer… Les appartements qui furent mis à la disposition de Soren étaient tout ce qu’il y avait de plus moyens, mais l’homme avait l’air de s’en contenter. Encore heureux, car il était hors de question qu’on le laisse intégrer la chambre de feu son père. D’un pas hésitant et lent, Izia s’avança en direction de la pièce de nuit. Ses mains tremblaient et son cœur battait furieusement. C’était comme si elle allait à la rencontre d’un de ces dragons, conté dans les livres pour enfants. Ses seules armes étant le courage et la volonté de sauver la seule famille directe qui lui restait, elle entra dans la chambre. A son grand étonnement, cette dernière était vide. Alors qu’un bruit de porte se fit entendre, Izia comprit que quelqu’un sortait de la salle de bain, elle tourna la tête pour apercevoir Soren. Si son cœur battait fort l’instant d’avant, à présent, il faisait des bonds. Son regard devint hagard, et un reflexe de recul s’enclencha. _ Vous êtes ponctuelle madame, c’est une qualité que j’apprécie, lui dit son époux qui était torse nu, et qui ne portait qu’une paire de pantalons, faite de lin sombre. _ Nous avions convenu d’un rendez-vous, fit-elle en se détournant de gêne, il est normal de s’en tenir à nos engagements. _ Si je m’en réfère au fait que vous soyez venue ce soir, fit l’homme visiblement amusé de son trouble, c’est que votre réponse est positive… _ Ce n’est pas comme si j’avais le moindre choix, sire, continua Izia d’une voix tremblante d’émotion, mais sans affronter son interlocuteur. _ Arrêtez-donc un instant, vous avez le choix. La seule chose, c’est que les enjeux sont quelque peu particuliers. Trop concentrée sur ses émotions, la jeune reine ne remarqua que tardivement que Soren avait réduit l’écart entre eux. Ses grandes mains se posèrent sur les épaules d’Izia, qui frissonna de tout son être. Il n’allait tout de même pas exiger qu’elle lui cède le soir-même ? se demanda-t-elle avec affolement. Elle ne se sentait pas prête pour tout ça, elle avait besoin d’un peu de temps… le temps d’apprendre à le connaître tout au moins… Sa pensée se figea, quand Soren se pencha sur son cou, et que son haleine chaude caressa sa peau. Le parfum de bruyère et de vétiver qui embauma l’espace, fit frémir ses narines. Le souffle court et les idées totalement confuses, Izia s’ordonnait de bouger. De courir au loin et de quitter cette pièce ainsi que l’emprise que cet homme exerçait sur son corps.
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