XIII- Un bon moment
Je ne m'étais pas attendu à revenir ici en si peu de temps. J'ouvre le portail et nous traversons l'allée . Je dépose ma planche quelque part avant de continuer ma route.
Lorsque j'ouvre la porte et pénètre dans le salon , Allena sur mes talons, la fraîcheur et la demi obscurité de la pièce me frappent. C'est comme si je découvre ma propre maison ; ce ton austère me fait réaliser à quel point mon quotidien est dénué de couleurs.
— Oh. C'est un peu sobre ici.
La voix d'Allena me fait sursauter. J'avais carrément oublié qu'elle était là.
— Attends. Je vais ouvrir les volets.
Aussitôt dit aussitôt fait. La lumière de ce début de matinée baigne le salon. Allena scrute les lieux du regard.
"Heureusement que mes bouteilles sont dans la cuisine et que je n'ai pas eu l'idée de mettre le bazar hier."
— Euh.... Assieds toi.
— Merci.
Allena pris place dans l'un des fauteuils.
— Café, jus de fruit, lait...?
— De l'eau. Merci.
— D'accord. J'y vais.
Je pars dans la cuisine tout nerveux.
C'est la première fois que j'invite quelqu'un chez moi et ça me stresse.
"Tu n'as invité personne. Elle s'est invitée toute seule. Banane."
Je remplis un verre d'eau pour Allena et vais le lui donner. Entre temps, j'ai pris le soin de cacher les bouteilles à leur place habituelle.
"On ne sait jamais."
— Tiens.
Elle me sourit tout en prenant le récipient de mes mains.
— Oh! Merci.
Je m'installe à mon tour à côté d'elle.
Un blanc s'installe et le silence devient gênant.
— Alors, tu as séché les cours. Tu es dans quel collège ?
— Je suis plutôt au lycée. Le système scolaire du Léonard diffère de celui classique. Le second cycle chez vous est en fait le lycée qui va de la seconde à la terminale.
— Ah! Je vois.
— Tu es tout seul ici?
Je m'apprête à répondre mais, elle prend un air embarrassé et me coupe dans mon élan.
— Oh! Pardon. Je suis bête. Tu dois y être avec tes parents, je suppose. Cette maison est bien trop grande pour toi.
Je fixe mon interlocutrice et ris jaune.
"Ouais. C'est une supposition. Je vis avec mes parents mais , c'est mieux de dire que je suis seul de toute façon. "
— Oh. Désolée. Ma question était stupide.
— Non. Non. Pas du tout. Ce n'est pas comme si je ne vivais pas seul de toute façon.
Je la vois hausser un sourcil.
— Tes parents sont en voyage, c'est ça ?
— Non. Disons plutôt que ce sont des fantômes. Mais, changeons de sujet , tu veux bien ? dis je à la hâte.
— D'accord. Mais on fait quoi du coup ?
— Tu me parles un peu de toi.
Je la vois réfléchir un instant puis poser son verre et se tourner entièrement.
— Je te dis une chose sur moi et tu en fais de même. Par exemple, quand je donne mon nom, tu donnes le tien. Compris ?
Je n'ai pas le temps de répliquer qu'elle débute déjà ce jeu et je me sens contraint de la suivre.
— Alors, je suis Allena Modio. A toi.
Je soupire.
— Tu connais déjà mon nom , non?
— Réponds. m'ordonne t-elle.
" Je ne te connaissais pas ce ton autoritaire, toi ."
— Anani Adiaffi. Contente ?
Un large sourire étire ses lèvres.
— Oui. J'ai 17 ans .
"J'y crois pas! Tu fais pourtant plus vielle. "
— 18. dis je en gardant mes pensées pour moi.
— J'adore lire.
"Lui mentir serait une bonne idée mais tout mensonge fini par se découvrir de toute façon. De plus, je ne veux pas passer pour ce que je ne suis pas. "
— Boire.
Et je le dis le plus simplement possible.
Allena ouvre les yeux en grand.
— Tu es alcoolique ?
Elle n'est pas passée par quatre chemins. J'aurais préféré qu'elle garde cette question pour elle. Je ne me considère pas comme un alcoolique. Peut-être est-ce un refus pour moi de voir la réalité mais pour moi, je ne fais pas encore partie de ceux qui ont baigné entièrement leur s esprits dans la boisson. Ces derniers temps, j'espace mes moments de consommation d'alcool alors, je fais des efforts selon moi.
"J'ai été c*n de lui dire que j'aime boire ."
Allena se tourne pour être de profil en face de moi.
Un long silence s'installe entre nous et c'est Allena elle même qui se charge de le briser.
— Désolée.
— Ce n'est rien.
— Euh.... Où sont les toilettes s'il te plaît ?
"C'est moi qui t'ai donné envie d'y aller ? "
— Tu monte. La porte au fond du couloir à ta droite.
— Merci.
Elle détale vers l'endroit que je lui ai indiqué.
Cette image me fait un peu rire. C'était une situation à la fois drôle et embarrassante .
J'en rigole encore lorsque le fixe du salon sonne. Mon cœur fait un bon dans ma poitrine, à tel enseigne que j'en ressens une vive douleur.
"La peur."
Je ne veux pas répondre mais comme toujours, l'appel est insistant; ce qui m'oblige à aller décrocher.
— Allô !
— Salut, Anani. Je t'ai manqué ?
Cette voix étouffée, ce ton lent et monocorde...
"Le psychopathe est au bout du fil."
Je suis paralysé, tétanisé.
"Allena avait raison. Je n'aurais pas dû me fier à ces jours sans nouvelles pour tirer des conclusions. Ce type est un psychopathe. Il a voulu me faire baisser ma garde pour mieux me poignarder."
— Tu ne dis rien? Tu ne t'attendais pas à m'entendre de nouveau, n'est ce pas? Où, croyais tu j'étais mort?
Un rire sinistre me parvient à l'oreille .
— Ne t'inquiètes pas. Ton viel ami est toujours là. Je voulais juste te laisser le temps de souffler un peu.
— Qu'est ce... Qu'est ce que vous me voulez à la fin ?
— Juste m'amuser un peu. Au fait, j'ai vu que tu fais maintenant copain copain avec ma joueuse préférée ?
Là, je commence par perdre patience.
" Il me surveille et connait donc le moindre de mes mouvements ? Où es tu sale vermine?"
— QUI ÊTES VOUS, BON SANG ?
— Tout doux. Relaxe. Tu le sauras bientôt. En attendant...
— EN ATTENDANT QUOI? UN AUTRE JEU À LA c*n, C'EST ÇA ?
— Que tu es impatient, mon ami! Et non. Dommage pour toi, il n'y aura pas de jeu pour aujourd'hui.
Je soupire intérieurement.
" Je suis tranquille pour cette journée ."
— Cependant, prépare toi pour...
Bip... Bip... Bip...
— Allô ! ALLÔ !
"Il a raccroché."
Je dépose le combiné et m'affale dans le canapé. Je ferme les yeux et me gratte la tête comme un fou. J'ai quasiment des envies de meurtres.
"Ne pouvait il pas m'oublier? Je ne vois pas ce qu'un mec comme moi apporterait à sa vie."
— Ça va?
Je relève la tête pour voir Allena penchée vers moi, les sourcils froncés.
— Il....
— Il?
— Je vais devenir fou.
Allena vient s'assoir près de moi .
— Il a appelé n'est ce pas?
— Comment l'as tu su?
— Je t'ai entendu crié .
— Ah!
— Je suis désolée.
— Tu n'as aucune raison de l'être. Et tu avais raison.
— Et est-ce qu'il t'a donné une énigme ?
— Non. J'attends.
Elle pose sa main sur mon avant bras.
— Ça va aller. Tu...
Soudain, son téléphone sonne . Je vois brièvement la photo de Mike s'afficher à l'écran avant qu'elle ne décroche.
"Va t-elle lui dire qu'elle est avec moi?"
— Allô !... Oui. Désolée.
Elle tourne son regard vers moi.
— Non. Je suis chez Sarah.
"Elle lui ment pour moi?"
C'est normal de toute façon car, je ne pense pas que Mike réagirait bien s'il avait su la vérité.
— Ne t'inquiètes pas. On se voit ce soir. D'accord ?
— Pardon. lui dis quand je la vois raccrocher .
Allena soupire .
— Tu n'as rien à te faire pardonner.
— Bien-sûr que si. À cause de moi, tu lui as menti.
— Arrêtes. Oublions ça. Et si on se faisait plutôt un film? dit elle rapidement avant de saisir la télécommande posée sur la table basse.
Je peux voir qu'elle est gênée face à la situation. C'est peut-être pour cela qu'elle ne fait que défiler les chaînes à la recherche de je ne sais quoi, depuis là.
Sentant sûrement que je la fixe, elle prend la parole.
— Tu demande pourquoi je zappe au lieu d'aller directement consulter les programmes n'est ce pas ?
Je ne dis rien afin de la laisser continuer. Il vaut mieux que nous parlions d'autre chose.
"Je vais la laisser parler. "
Ce qu'elle fait.
— Je t'explique, dit elle en se tournant à nouveau pour me faire face. C'est cool de pouvoir consulter les programmes et sélectionner ses préférences. Cependant, supposons par exemple que durant ton parcours, tu constates que Avengers, Naruto the last et Tenko no koe sont ou seront diffusés au même moment, comment vas tu faire ?
Je hausse les épaules. D'abord, à part Avengers, je ne connais pas beaucoup de films donc pas du tout les deux autres. De plus, regarder la télé ne me tente pas si souvent.
Allena pointe un doigt vers moi.
— Voilà. Tu ne sais pas quoi faire. Tu ne veux rater ni l'un ni l'autre. Du coup, tu en choisi un à contre cœur. Ton cœur saigne. De ce fait, je trouve que c'est bien mieux de zapper ; là, tu ignore qu'il y a un autre film qui passe et c'est la paix de l'âme. Tu vois?
Je hoche simplement la tête . Elle me sourit puis retourne à son zapping.
Un sourire illumine son visage lorsque, nos yeux tombent sur une sorte de dessin animé où il y a un truc vert avec une voix niaise qui parle à une sorte d'écureuil à grosse tête. C'est la première fois que je vois ce truc .
"Il faut dire que je ne regarde pas souvent la télé."
— C'est quoi ça ?
Allena me regarde étonnée, la bouche ouverte.
— Quoi? Comment ? Tu ne connais pas Kaeloo ?
— Ka quoi?
— Kaeloo. Tu sais ? La grenouille verte. Tu vois, lui, c'est Moignon, un écureuil trop stupide.
Elle se met à rire quand apparaît à l'écran un chat qui explose la tête d'un canard avec son bazooka. J'avoue que c'est assez drôle et me mets à rire aussi.
"Cet anime n'est pas si naze que ça."
Nous regardons Kaeloo qui s'avère être une série. Plusieurs épisodes sont diffusés et nos rires inondent la pièce. De temps à autre, je jette un regard à Allena.
"Elle est belle quand elle rit comme ça."
"Mais qu'est ce que je raconte là ? "
J'essaie de ne pas me faire des idées en me concentrant sur le dessin animé jusqu'à ce qu'un bruit semblable à celui d'un moteur attire mon attention. C'est mon estomac qui cris famine.
Allena, elle, les yeux toujours rivés sur l'écran, ne semble avoir rien remarqué; elle n'a pas bougé d'un pouce. Je décide alors de m'éclipser pour me faire des spaghettis.
Jusqu'à ce que je finisse, je n'ai pas vu la tête d'Allena apparaître dans le coin.
"Elle n'a pas dû remarquer mon absence. "