Un dernier moment
Callen avait accordé sa matinée à Anisha, et cette dernière apprécia vraiment sa compagnie. D’une certaine manière, elle s’était sentie mieux et toute son irritation liée à Helias, s’était quelque peu dissipée.
Alors que les jeunes gens s’étaient promenés tout un moment dans le parc principal, Anisha exprima le souhait de rentrer. Elle savait que le cadet du roi avait à faire et elle refusait de le monopoliser plus. Et puis, son départ n’allait pas tarder, elle voulait passer ses derniers jours au palais, en compagnie de Dalia.
_ Je peux rentrer seule, vous savez, dit-elle à Callen alors qu’il s’apprêtait à rebrousser chemin avec elle.
_ Je le sais bien, seulement, j’ai pris la responsabilité de vous faire sortir malgré les ordres de mon frère, je me dois de vous raccompagner à vos appartements.
_ Je suis désolée, je ne voulais pas vous causer d’ennuis, s’excusa-t-elle sincèrement. C’est juste que j’ai l’impression d’être enfermée depuis des lustres…
_ Vous ne me causez aucun ennuie, rassurez-vous. Enfin, bien moins qu’à ces pauvres gardes qui ont dû essuyer votre mauvaise humeur.
Anisha se trouva toute penaude devant les faits qui lui étaient reprochés et Callen se mit à rire devant son expression coupable.
À leur retour au palais résidentiel, tandis qu’ils venaient d’arriver au premier étage, bras dessus, bras dessous, ils tombèrent nez à nez avec Faith de Saragon.
_ Callen, Anisha, bien le bonjour…
La future reine affichait un grand sourire radieux, comme si la veille, elle n’avait jamais surpris sa rivale dans les bras de son homme. Elle semblait plus avenante qu’à son habitude, et même si Anisha savait qu’elle n’en pensait pas moins, elle comprit que sa bonne humeur était due à autre chose.
_ Dites très chère, continua-t-elle à l’intention de la jeune femme après que celle-ci l’ait salué en retour, je vais prendre le déjeuner en compagnie de sa majesté, que diriez-vous de vous joindre à nous ? Bien sûr, vous pouvez venir aussi, Callen. Vous et votre charmante fiancée…
_ Je vous remercie pour votre sollicitude, répondit le cadet du roi, seulement, j’ai des affaires pressantes qui exigent ma présence hors du palais. Ce sera pour une prochaine fois peut-être.
Anisha aurait voulu trouver la même échappatoire que son beau-frère, mais rien ne lui venait en tête. Elle ne pouvait tout de même pas lui dire qu’elle était consignée dans sa chambre comme une vulgaire criminelle, tandis qu’elle, pouvait aller et venir à sa guise.
_ Comme vous pouvez le voir, madame, je reviens tout juste d’une longue promenade et j’avoue être quelque peu fatiguée. De plus, je ne suis pas apprêtée pour un repas en compagnie de sa majesté…
_ Si c’est du temps qu’il vous faut, sachez que vous avez presque une heure devant vous avant que le repas ne soit servi. Et puis cela fera plaisir à Helias de vous avoir à déjeuner, sachant que vous quitterez le palais sous peu… Enfin, c’est ce que m’a dit mon cher époux, hier soir…
À ces mots, Callen et elle se regardèrent.
Helias avait-il vraiment confié à sa future femme qu’Anisha partirait très bientôt ?
Ce n’était pas lui qui avait tenu à garder secret l’arrêt de sa grossesse pour mieux enquêter ?
En lui confiant qu’elle s’en allait, c’était comme s’il classait cette affaire de fin de grossesse une bonne fois pour toutes.
Faith n’y était pour rien dans ce qu’il lui était arrivée, mais Anisha eut tout de même le sentiment que son ancien amant passait bien vite à autre chose. C’était comme si la nuit qu’il avait passée avec cette femme, l’avait éloigné d’elle pour de bon.
_ Je ne sais pas…, bredouilla-t-elle en prise avec ses pensées et ses contradictions.
_ Ce n’est qu’un simple déjeuner… et puis vous pouvez venir avec votre sœur, si vous avez peur de vous ennuyer en notre présence.
L’insistance de cette femme ne laissa d’autre choix à Anisha que d’accepter l’invitation. De toute façon, il lui fallait voir son ancien amant dans sa nouvelle vie d’homme presque marié, pour que son cœur puisse passer à autre chose.
Ça allait être douloureux, mais bientôt, elle n’aurait plus à souffrir de cette situation…
_ Vous auriez dû refuser, lui dit Callen une fois qu’ils furent devant la porte des appartements de la jeune femme.
_ Vous avez vu comme moi son insistance…
_ Oui, et je ne dis pas que ça aurait été simple de vous esquiver, seulement, c’est vous qui risquez de souffrir. Et il n’y a rien de bon à vous imposer des moments pareils.
_ Je pense au contraire, que j’ai besoin de voir la réalité comme elle est pour pouvoir aller de l’avant…
_ Madame, je sais que je n’ai aucun droit de vous parler de cela, et que vous savez mieux que quiconque, ce que vous pouvez accepter ou non, mais mon frère et vous… vous vous aimez profondément, je trouve vraiment dom…
_ Callen, l’arrêta la jeune femme qui voyait très bien sur quel terrain il voulait l’emmener, comme vous dites, je sais exactement ce que je suis capable d’accepter ou non, et croyez-moi, la vie de concubine n’est vraiment pas faite pour moi…
_ Qu’en savez-vous ? Vous ne l’avez jamais été, puis en se rappelant son histoire avec Clarence, je veux dire, auprès de quelqu’un que vous aimez vraiment.
Cette question, Anisha se l’était posée un nombre incalculable de fois, elle avait pensé la chose, pesé ses avantages et à aucun moment, elle ne put se résoudre à prendre ce rôle, qu’elle considérait comme avilissant. Elle préférait encore renoncer à l’amour et à ses promesses plutôt que de partager un homme. Encore plus si elle l’aimait.
Il n’y avait qu’à voir l’état dans lequel elle s’était retrouvée après qu’elle ait laissé Helias avec Faith, la veille.
_ Bien que cela puisse en donner l’apparence, je vous assure que ma décision n’est en rien un caprice. Mon amour est entier, et j’ai besoin d’une réciprocité sans faille…
_ Madame, je vous ai sorti quelques robes pour votre déjeuner avec sa majesté, lui dit Lorelie en la rejoignant dans la salle de bain où elle finissait de se préparer.
_ Oui, j’arrive, lui répondit Anisha en esquissant un sourire contrit.
Bien sûr, le déjeuner qu’elle allait avoir avec Helias ne serait pas un tête-à-tête, mais ça allait sûrement être l’un des derniers moments qu’elle passerait en sa présence.
Et pour l’événement, elle ne voulait pas s’effacer. Elle voulait marquer le coup, et par la même, voir une dernière fois l’admiration dans les yeux de celui qu’elle aimait plus que tout. Celui qui avait réussi à lui redonner confiance en elle, et qui avait fait d’elle une femme…
En tenant compte de sa réflexion, son choix se porta tout naturellement vers une toilette qui faisait écho à ses magnifiques yeux, une toilette à la couleur de l’or…