La Première Fissure

586 Mots
Un petit choc aigu résonna sur le sol. En me retournant, je découvrais Jean-Charles accroupi. Il tenait une panoplie de billets dans une de ses mains et ramassait avec l'autre des pièces d'argent. « Qu'est-ce que tu fais ? » Je lui demandais. « Je m'apprête à payer. Regarde devant toi, ne t'inquiète pas pour ça. » Arrivé face au caissier, nous passions un à un les articles qui étaient dans le caddie : le poulet, le riz, la boîte de tomates, la pâte d'arachide. Le total avait fait environ sept mille francs. Jean-Charles payait, et je restais silencieuse devant ses faits et gestes. Il prit ensuite les sachets, et nous déposâmes le caddie sur le côté, sous le regard affolé d'Omar qui cria : « La prochaine fois que tu viens, il faut venir seul. » Mais je fis comme si je n'entendais rien. Nous marchâmes droit devant nous et Jean-Charles prit ma main dans la sienne. « Allons-y donc acheter les condiments chez les mamans à la sortie. Nous profiterons aussi pour prendre un pagne pour Aminata. » « On achètera ça avec les deux mille que j'ai emmenées. On lui dira que c'est de notre part à tous les deux. » Il remua les épaules. « Ce n'est pas une mauvaise idée. » Je sautillai, mes pieds frappant quelquefois le bas de mes fesses, ma joie ne pouvant point se cacher. Le soleil qui, quant à lui, courait vers sa maison pour se coucher, dévoilait des couleurs oranges, douces, qui allégeaient la température et faisaient briller les peaux noires de la région. La mienne spécialement avait la couleur d'un astre dans la nuit, observée au télescope. Je m'arrêtai un moment, tournai sur moi-même, ne sachant plus comment retenir ma gaieté. C'est alors que Jean-Charles posa sa main ferme, douce, sur moi, avant de balayer mes cheveux, comme si j'étais une petite fille. « C'est bon maintenant, allons-nous-en. » Sans même regarder derrière nous — après tout, qui voulait revoir le visage d'Omar ? — Nous prîmes la gauche. Plus nous avancions sur ce chemin, plus nous nous enfoncions dans un coin profond du marché, afin d'atteindre les vendeurs de pagnes. Ils étaient alignés, chacun présentant ses plus belles œuvres. Nous regardâmes autour, du côté droit, du côté gauche, et même face à nous ; il y en avait énormément. Certains sortaient même de leur magasin et hurlaient : « Venez ici, mes enfants, vous cherchez quoi ? » Lorsque d'autres contredisaient cette idée, afin que nous allions plutôt dans leur boutique. Nous étions déjà habitués à ce vacarme, c'était notre quotidien. Après avoir jeté un coup d'œil sur la plupart d'entre eux, je me perdais dans ce chapelet d'expositions. Mais Jean-Charles m'attrapa par le poignet et me tira ; je me laissai emporter. Nous arrivions donc devant ce magasin vert citron, avec des décorations fleuries dessus. Je fronçais les sourcils, poussai ma tête vers l'arrière, étonnée de ce mélange de couleurs. Qu'est-ce qui avait bien pu attirer Jean-Charles vers ici ? Il attrapa la serrure blanche de sa main non occupée, lorsque l'autre tenait le sachet lourd que nous avions emmené de chez Omar. Nous entrions par la porte vitrée. Il souffla. « J'avais l'habitude de venir ici, avec maman, lorsqu'elle aimait encore se vêtir et se faisait belle. » Cette phrase me gela complètement. Je baissai les yeux vers le sol, les carreaux blancs, froids, rafraîchis par la climatisation, qui devenait de plus en plus intense, me donnant la chair de poule.
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