Dernier Espoir

696 Mots
Le temps s'était arrêté, on aurait dit. Les couleurs bleues et blanches sur les murs donnaient l'impression d'être près d'un océan. Hélas, au lieu d'y trouver apaisement, je me noyais et le sel marin me brûlait les yeux. Personne ne m'avait jamais appris à nager. Personne ne m'avait jamais appris à fermer les yeux face au danger pour garder son calme. Papa détestait que l'on apprenne à faire quoi que ce soit. Son sourire était resplendissant lorsque nos regards baignaient dans un rouge douloureux. Il aurait préféré nous voir être humiliés devant une foule que d'entendre notre succès. C'était un homme qui voulait rester héros. Être connu comme l'homme capable. Celui qui savait prendre des choix pour sa famille et la gardait en vie. Mon père, un être arrogant qui exhibait une sagesse qu'il n'avait pas, voulait être le savant et nous voir — maman et moi — simplement exister sans vivre. C'étaient donc toujours des étrangers qui nous tendaient la main, comme Aminata le fit ce jour en classe. Une musique berçante sortit de sa voix. « N'y réfléchis pas trop. » « Esméralda pense toujours tout savoir. Ça m'agace. Elle ne se rend pas compte de la chance qu'elle a. Elle parle tout le temps de ses problèmes et de combien ses parents la fatiguent à lui acheter des cadeaux luxueux. » Aminata baissa la tête, l'air de s'absenter un court instant. « On ne sait pas ce qui se passe chez elle lorsque le portail se ferme derrière son dos. » Ses yeux se perdirent dans les écritures sur notre table un moment. Une émotion lourde se lisait sur ses gestes et le blanc de ses yeux était pâle. Elle me donna envie de pleurer. « Esméralda a probablement eu mal que tu parles autant des biens de ses parents alors qu'elle essayait d'avoir un moment d'intimité. » « Ami... avant, tu me comprenais, mais depuis un moment, j'ai l'impression que tu es tout le temps de son côté. » Une chaleur circula dans ma poitrine. « J'ai l'impression que vous êtes à deux contre moi et que vous me voyez comme la méchante. Pourtant, tu sais tout ce que je vis. Ma vie n'est pas facile non plus. » Un sourire amer perla sa face. Ses lèvres étaient un de ses plus beaux bijoux. Elle murmurait. « C'est ça ton problème, Jo. Tu ne veux pas comprendre qu'il n'y a pas de côté. Nous sommes amies et devons nous soutenir. Je te comprends toujours autant qu'avant et aimerais juste que tu fasses l'effort d'offrir à Esméralda de jolis derniers moments. » Elle entoura mon coup de ses bras et je sentis son cœur battre contre le mien. Un murmure de cette agitation me traversa l'âme, faisant vibrer ma propre vision. Avait-il peur ? Était-il angoissé ? Pourquoi vibrait-il comme si la mort marchait à lui à pas de fofolè? Cet esprit sinistre qui nous séduit de biens terriens et finit par nous enterrer. La face d'Ami face à moi se déforma un instant comme l'homme peint sur Le cri d'Edvard Munch. « Dis-moi réellement », j'enroulai à mon tour mes bras autour de sa silhouette, « qu'est-ce que vous me cachez. » Le temps se mit à clapoter. Chaque battement semblait mener à l'annonce d'une vérité redoutable. Je pouvais presque entendre le diable compter les heures qui nous séparaient de la mort. Pourquoi ? Aminata prit une grande inspiration, qui pressa ma poitrine et son souffle caressa mon oreille. Je pus sentir la mélancolie et l'ivresse. De la solitude pourtant nous étions deux. Je faisais face à un mur et ses lèvres à mon oreille. « Esméralda m'a surprise, il n'y a pas longtemps, tu sais. Elle a pu deviner un secret que j'ai peur de me répéter à moi-même. J'étais étonnée que personne de soi-disant aussi artificielle arrive à voir ma peine. » C'était alors ça ? Elles me cachaient réellement quelque chose et moi, perdue dans mes bouquins, je n'avais pas pu lire le malheur de ma meilleure amie. « Quelle peine ? » « Celle d'un secret sur mon mariage que j'ai peur de me répéter à moi-même. »
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