Des jeunes filles m'épiaient avec mépris, ou peut-être avec simple curiosité, un contraste silencieux avec la façon dont les yeux d'Omar se posaient sur moi, lourds d'une possession non acquise.
Possiblement, elles se demandaient ce que j'avais de différents pour voler autant son intérêt. Dans ce cas, ces demoiselles seraient naïves, j'avais lu bien trop de livres pour tomber dans ce panneau, en plus de mon père qui servait d'exemple d'hommes à ne pas approcher.
Pour Omar, c'était évident, je n'étais qu'un poisson parmi tant d'autres. Il était dans un restaurant, les chefs tremblaient devant son imposante poche et sa carrure. Un soir, il exigeait à manger de la carpe, un autre jour de la dorade, jusqu'à satisfaire ses papilles des différentes espèces de l'océan.
S'il était un homme sérieux, autant de rumeurs sur ses conquêtes et grossesses enlevées n'existeraient pas.
Quel imbécile ! Je pensais, frappant successivement ma jambe sur le sol, signe des émotions négatives qui circulaient dans les environs.
Une cliente dans la rangée exprima son empressement. « Omar ! Sers nous ! » Elle frappa le comptoir, épuisée, ça se peut, de rester debout à attendre qu'il s'active. Sa jupe paysanne courte exposait des cuisses entretenues au magnigou. Les rajouts à la mèche orange sur sa tête dévoilaient son émancipation et la flexibilité de sa famille. Un jugement traversa mon esprit. Elle doit sûrement être celle qui les nourrit, comparant son accoutrement à celui des autres filles près d'elle et du mien.
Omar la dévisagea avec horreur. Sa main passa sur sa chevelure plaquée au gel, des ongles limés et polis dévoilés. Il piaffa, appela un de ces travailleurs : « Petit ! » Sa main s'agita pour accentuer son autorité, sa voix tranchante.
Cette arrogance, cette façon d'exiger au monde d'être à son service, faisait partie des multiples raisons pour lesquelles il me dégoûtait. Omar, comme la plupart de ces personnes riches, nous traitait comme des bêtes de foires. L'idée de ses lèvres fines effleurant ma peau me donnait une sensation désagréable, comme celle d'un insecte rampant. Je me tournai vers Jean-Charles pour souffler mon irritabilité, lorsqu'il rigola bêtement et me pinça les joues de ses mains moites.
La même voix dans la queue s'exprima de nouveau. Elle cacha ses mots derrière un fredonnement que je pus entendre faiblement. « Ça c'est même quoi ? » Une série de murmures s'ensuivit.
Je me tournai, prête à signaler : « Omar — » Cependant, avant même que je puisse prononcer son nom, un éclair de colère traversa son visage. Ses narines se dilatèrent légèrement. Sans un mot, il se fraya un chemin brutal à travers la petite foule, son épaule heurtant violemment la cliente exigeante, qui laissa échapper un petit cri étouffé. Le regard d'Omar, fixé sur moi, était une promesse de tempête.
Il nous faisait face quand Jean-Charles posa son bras au-dessus de mon cou. « Tu es encore venu avec ce merdeux-là ? »
Un serrement froid m'étreignit la poitrine lorsque Omar cracha ses insultes sur Jean-Charles.
Omar lui lança un regard noir, le dévisagea, tapant ses mains l'une contre l'autre une fois. Un bruit qui me fit sursauter.
Une colère se lisait sur ses sourcils froissés, ses lèvres tendues en un piquet, et son nez pointu semblait flairer une odeur répugnante.
Omar balança le regard sur la gauche, puis revint vers Jean-Charles, l'observant de haut en bas, dans un silence agonisant.
Jean-Charles s'avança, mais je plaçai ma main devant lui. S'il confrontait Omar, il risquait de se faire humilier.
Je devais le protéger. « Omar, s'il te plaît, ne parles pas comme ça à mes amis. » Son parfum bon marché, trop sucré, agressait mes narines.
Il mouvementa sa main dans l'air. « C'est d'accord. Tu peux prendre tout ce que tu veux ici à mon compte. » Certaines mèches de ses cheveux lisses collaient à son front ravagé par la sueur.
Un souffle ironique s'échappa de mes narines, mes ongles gratinèrent la peau de mes doigts. « Ne t'inquiète pas, j'ai emmené de l'argent. » Je le défiais du regard, le faisant comprendre que je n'aimais pas du tout la manière dont il agissait.