MON MARI, CET ÉTRANGER !

La Sagesse D'écouter.

Esméralda était assise face à nous, contre le sens normal de son banc. Son dos faisait face au tableau, contrairement à nous qui devions l'affronter. J'avais l'impression que c'était un miroir à certains moments. Il reflétait la douleur d'être incomprise et les écritures à la craie effacée à moitié qui n'avaient plus de sens, reflétaient la confusion de mon être.

« Attends... ». Je levai le bras. « Est-ce que vous me cachez quelque chose ? » Une main si légère et douce sentant le beurre de Karité étouffé me toucha l'épaule avec délicatesse et me fit tourner la face. « Ami... toi, dis-moi la vérité. »

Ami soutint mon regard. Un moment qui dura une éternité passa et une ombre de tristesse traversa ses yeux avant qu'elle ne réponde. « On ne te cache rien. C'est toi qui finis toujours par manquer des informations importantes en nous coupant la parole comme tu viens de le faire. »

Pardon ? En fus-je offusquée. Était-ce donc moi le problème ? Je m'en posais la question et tremblais. Je voulais parler mais... qu'allais-je faire si ce n'est les interrompre à nouveau ?

Je regardai autour de nous, pendant que les filles appréciaient mon silence. Les élèves parlaient à voix haute et s'agitaient dans tous les sens. Mais tout ce que mes oreilles entendaient n'étaient qu'un murmure qui tentait de passer d'un appartement à l'autre par un mur en béton.

Les nuages semblaient passer au-dessus de la pièce, car, le jour devint sombre. Jean-Charles à l'extérieur effaça le sourire sur face et tourna le visage vers moi. Il baissa immédiatement les yeux et une sensation de brûlure embrassa mon âme. Tout devint flou. Un ricanement sec et bref emmena de l'obscurité. Je fronçai les sourcils. « Qu'y a-t-il Esméralda ? Je suis prête à t'écouter. »

Elle s'arrêta comme une télévision éteinte en plein minuit. « Jolivia... Que veux-tu au juste que je leur dise ? » Les mains sur ses hanches, elle fit une pause. « L'amour est le début des désaccords. Il nous fait croire que c'est injuste d'être soumis à nos propres parents sans s'offrir une existence. Ce n'est pas comme dans tes romans. Et crois-moi, je ne dis pas ça pour te blesser. » Elle répétait. « Tu sais, en cachette, moi aussi, j'avais commencé à lire ces histoires d'amour et je les adorais. Il n'y avait pas que Roméo et Juliette. J'admirais ces femmes audacieuses qui confrontaient leurs familles pour l'amour de leur vie jusqu'à ce que la nouvelle du mariage d'Aminata arrive et que je découvre que j'allai m'en aller. »

Perplexe, je la fixai un instant. « Je te comprends mais... tu n'as pas à parler du mariage d'Ami. C'est une bonne nouvelle. » Leur échange de regards rapides me laissa pensante. « Si la nouvelle du mariage d'Ami la dérangeait, elle me l'aurait dit, n'est-ce pas ? » Je la regardai et son corps était immobilité. Elle s'effaçait lentement.

Esméralda claqua des doigts, un mouvement brusque qui brisa la tension. « N'y pense pas trop. Tu sais que je mélange très souvent les sujets. »

« Que feras-tu donc pour le voyage ? »

Esméralda haussait les épaules. Étrangement, elle arborait un sourire forcé. Comme si elle pensait que je ne pouvais pas la comprendre. Quelque chose en elle n'arrivait pas à sortir pendant qu'elle murmurait : « Je me contenterai de pleurer seule dans un nouveau pays où je ne connais probablement personne. » Le temps devint encore plus sombre, tandis que le vent soufflait et faisait vibrer les toitures en tôle jusqu'à nos oreilles.

Une vague de mer s'éleva par-dessus mes poumons. Sans la laisser sortir, je disais : « J'espère que mes parents ne prendront jamais des décisions aussi importantes sans me consulter bien avant. » Je baissai la tête, la peur que ressentait Esméralda me traversant l'âme. « Quoi qu'il en soit, Jean-Charles n'y est pour rien. Ça fait des jours que tu le critiques et je comprends aujourd'hui pourquoi. Mais comment craches-tu sur lui pour une décision prise par ton père ? »

Soudain, Esméralda frappa sur la table en bois et me fit sursauter. Nous tournâmes toutes les trois la tête, cherchant à calmer les regards interrogateurs.