Je Le Ferai

920 Words
La désolation m'envahissait. Je me sentais désolée que les parents ne puissent pas toujours comprendre que les enfants ressentent et absorbent leurs émotions. Très souvent, ils se sentent même coupables de la séparation, de la mort ou du chagrin parental, portant le poids des larmes, des cris, de l'agonie, du refus, du reniement et du regret. Au point où les êtres que nous sommes finissent très fréquemment par se demander pourquoi nous sommes nés, si le simple fait de nous nourrir est une affliction. Ne devraient-ils pas plutôt être reconnaissants d'avoir une bouche à nourrir, une bouche près de soi avec laquelle échanger et taire la solitude ? Une bouche qui, même sans fortune matérielle, peut être notre véritable héritage. Celui que nous laisserons à ce monde, celui que nous offrirons à Dieu en retour de son amour infini pour nous. Mes yeux humides captivèrent le regard des gens autour de moi. Un « Oh » sortit de la bouche de Jean-Charles. « Est-ce que j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? » Je lui arrachai le sachet, le posai sur le sol, et saisis les deux mains de Jean-Charles avec les miennes. « Jean-Charles, je te protégerai toujours. Je n'ai plus envie de cette vie de douleur et de malheur pour nous. Chaque élément de notre passé est une douleur, et notre présent ne veut pas nous laisser avancer. » Je posai mon poing sur ma poitrine délicatement. Mes pensées me proposèrent une idée : « Ce mariage, avec cet homme riche, peut-être que je devrais l'accepter. Le sacrifice de mon bonheur ne mettra-t-il pas fin à la souffrance des prochaines générations ? Et certainement qu'avec l'argent de cet homme, je pourrais aider Jean-Charles, Shujaa, et leur mère aussi. Alors enfin, on ne nous regardera plus comme des moins que rien. Enfin, Omar n'aura plus à mettre la pression sur ces jeunes hommes, ou à tabasser Shujaa, comme ce jour, il y a un an, où un drame se produisit. Leur mère m'avait détestée. Il avait fallu que je me mette à genoux devant elle et lui promette que j'aimais ses fils plus que moi-même encore. » Jean-Charles m'emballa dans ses bras, un massage divin. Un soupir s'échappa de ma bouche ; je m'y sentais si bien. Il murmura à mon oreille : « N'y penses pas trop... Shujaa nous sortira tous de là... » Mais je pensai, même s'il me l'avait interdit : « Peut-être que c'est un poids bien trop grand sur ses épaules. » Une image en noir et blanc de ma famille passa sous mes yeux. Fermement, la voix en moi dit : « Je le ferai. » Cela me fit quasiment trembler et une larme coula sur ma joue. Je l'effaçai vite sur le t-shirt de Jean-Charles. Il me serra plus fort, m'étouffant presque, et cette sensation d'être près de la mort me fit tant de bien. Je voulais m'en aller, mais je ne pouvais pas. Je devais les assister et leur faire monter vers la réussite. Sûrement, Jean-Charles se disait que je pleurais à cause de lui, mais finalement, c'était le poids de tout. Une rétrospection de nos vies à tous. Comme une sirène annonçant une tornade dans un moment banal de la journée, une voix énonça : « Mes enfants, s'il vous plaît, faites vite, je dois bientôt aller à la prière. » Nous tournâmes la tête. Le vendeur, vêtu d'une calotte Kaki, assorti à son boubou, continua : « Vous cherchez un pagne de combien de mètres ? » Jean-Charles me regarda : « Deux mètres, ça suffira, n'est-ce pas ? » « Bien sûr, nous n'achèterons pas non plus un pagne pour elle, ses futurs enfants, son mari et toute sa famille ! » J'essayais de me rattraper par une humeur plus joyeuse. Jean-Charles rigola, pareil pour le vendeur qui semblait bien être pressé. Celui-ci dit alors : « D'accord, c'est pour quelle occasion ? » — « Un mariage ! » répondis-je, les coudes tendus vers le bas, les poings fermés vers le haut. Le vendeur nous montra des pagnes magnifiques. Les couleurs s'alignaient comme un festival annonçant la venue d'un roi, d'un chef, d'un grand de ce monde. Une sensation déplaisante me prit par les pieds et remonta jusque dans ma poitrine. Un resserrement me coupa la respiration, je relâchai le peu d'air qu'il me restait avec force par le nez. Le mot « mariage » se dupliquait dans ma tête. Le visage d'Aminata en robe de mariée disparut, le mien le remplaça. « Mon mariage », une pensée qui m'effraya. Une foudre me frappa sur la tête, mon sourire disparut. « Mon mariage ? » « Ça va, Jolivia ? » Jean-Charles, de sa voix réconfortante, me demanda. Je fis un sourire forcé. « Bien sûr. Prenons le pagne et allons-nous-en. » Ainsi, nous regardâmes tous les pagnes et je tombai sur un pagne rose à paillettes. Je souris. « Je veux lui offrir celui-là. » Je voulais qu'elle le garde précieusement et pas forcément qu'elle se le fasse coudre, en souvenir de notre enfance et du fait que nous resterions quelque part des petites filles, même si nous devenons des femmes. Je voulais qu'elle le garde précieusement et pas forcément qu'elle se le fasse coudre. Jean-Charles me déposa un b****r sur le front en m'attrapant de ses doigts par la nuque. Je fermai et ouvris les yeux rapidement avant que le marchand nous mette le pagne dans un sachet et que nous remettions l'argent.
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