Souvenir Estompé

868 Words
Ses lèvres tremblaient, comme si elle se débattait pour continuer de parler. Je voulus poser ma main sur son épaule, quand enfin, elle se prononça. « Mais ce n'est pas parce qu'elle a montré ce côté d'elle que j'ignore ces défauts. On en a tous des défauts. » Son regard calibré me rappela mes propres failles et je réalisai que malgré son silence, Aminata me connaissait mieux que quiconque. « Jo, moi, je suis habituée à son arrogance. Je la détestais avant d'être son amie. Mais depuis que j'ai appris à mieux la connaitre, j'ai découvert qu'elle se bat déjà contre ce que son environnement a voulu faire d'elle. Elle a estimé dans son arrogance que je méritais d'être son amie. » Elle ricana. « Esméralda aurait pu être pire. Penser que c'est notre travail de porter son sac dans les couloirs ou encore nous insulter à longueur de journée. Ne t'es-tu jamais demandé pourquoi elle trainait avec nous et pas les autres élèves de son rang ? Ils nous évitent tous et trainent entre eux. Leurs regards sont méprisants et lorsqu'ils saluent Esméralda, ils nous passent comme s'ils ne nous avaient pas vus. » Je fronçai les sourcils, confessant, « tu es étrange. Mais j'avoue que je n'ai jamais regardé les choses sous cet angle. Pourquoi es-tu toujours aussi stoïque et observatrice ? Y a-t-il une chose que tu n'aimes pas dans la vie et qui pourrait te mettre hors de toi ? » « Oui ! » « Dis-moi ? » « Vous voir être divisées comme ça. » Aminata jeta un regard vers l'extérieur. Un moment, j'eus l'impression que les rayons de soleil fumigeait sa peau noir café. « Par contre, j'aimerais qu'elle apprenne à tenir sa parole et vivre ce qu'elle prêche. » « Justement ! Ça m'énerve. Et tu sais la relation que j'ai avec Jean — ». Je me figeai, la langue soudée au palais, étranglée par un fil invisible. Les traits du visage d'Aminata se détendirent et elle éclata de rire. « Si tu voyais ta tête », crispée par les agitations de son humeur enfantine. « Chut... », son doigt glissa sur mes lèvres. « Je sais, Jo. Mais aimes-tu Jean-Charles plus que ta copine ? » « Il n'est pas question de ça. » « C'est toi qui ne la comprends pas. Au-delà de son discours maladroit, elle essaie d'expliquer qu'elle aime un homme qu'elle devra à contrecœur abandonner. Elle est simplement en colère. » Je posai ma tête sur elle. « Tu as sans doute raison. » « Jo ! Il y a autre chose que j'aimerais te dire. Tu n'as pas à t'inquiéter. Tes parents savent à quel point tu aimes les études et tu as toujours été une fille obéissante. Ils ne feront rien contre ta volonté. » « C'est vrai. À vrai dire, Olaf m'a fait peur. J'ai cru qu'ils pouvaient agir comme les siens et m'envoyer loin d'ici. Loin de vous tous. » « Tes parents n'ont pas assez de moyens pour t'envoyer dans une université éloignée. Ils choisiront possiblement Ablar et te visiteront de temps à autre. » Son épaule s'agita, et je me redressai. « Mais qu'est-ce qui te prend ? » Alors, elle se pencha vers mon oreille, « lui aussi te visitera. » Son rire guérit mon humeur et attendrit ma face. « Promis. Je le suivrai et t'imposerai de trouver du temps pour nous entre tes cours. » « Tu n'iras pas à l'université toi ? » Ami fronça les sourcils, balaya sa main dans l'air, et d'une voix pointue parla. « Je suivrai une formation, je n'ai pas envie de faire de longues études. » « Une formation ? » Son désintérêt soudain pour l'université me déconcerta. « Mais... nous avions toujours rêvé de découvrir la liberté de l'université. » Alors que son regard me fuyait, la sonnerie retentit de nouveau, annonçant le début des cours de l'après-midi. Les élèves entrèrent par nombre dans la classe. Ils criaient et jouaient dans tous les sens. Pendant ce temps, Aminata se mit à fouiller son sac. C'était évident qu'elle tentait de clore le sujet. Je souris, décidant de respecter ses émotions. Je ne voulais pas me dire que quelque chose n'allait pas ou qu'elle n'avait plus confiance en moi. Il était impossible de toute façon que nos vies basculent simplement parce que nous allions avoir nos examens. Un jour, elle allait tout me révéler. Cette jeune femme à en devenir était ma meilleure amie après tout. Alors que je m'accrochais aux maigres espoir semés par les paroles d'Aminata, la voix de papa, tranchante comme les lames de la faucheuse, me ramena à la réalité. Il me sortit de mes pensées comme un jet d'eau. Lorsqu'il dit, « Chérie, tu devrais nous comprendre », il me fit sursauter. « Tu vas bien ? » Maman se souciait, sa main me caressant délicatement. « Oui, désolée. Je réfléchissais juste à quelque chose. » En décidant de croire aux paroles d'Aminata sur mes parents, je relâchai les épaules. Mon cœur s'accrochait à cette lueur d'espoir, refusant d'envisager d'autres scénarios plus sombres. « Parlez ! Je ferai tout ce que vos cœurs désirent. »
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