L'Audace Des Hommes

823 Words
Charles tenta de se cacher honteusement. « Oui, je ne voulais pas te le dire parce que je savais que tu allais mal le prendre. » Un rictus amer étira mes lèvres. « Laisser une femme prendre soin d'un homme, c'est la laisser marcher sur sa tête. Elle trouvera sûrement quelqu'un de mieux là-bas. De plus riche. » Il entra ses lèvres dans sa bouche, mouvementant sa tête avant de remarquer. « Je vois que les paroles sexistes de tes parents t'ont finalement convaincu. » Une claire intention de m'attaquer. Bien sûr, nous en étions là. Un cœur brisé qui lançait ses pointes acérées sur un cœur au bord de l'explosion, dans l'égoïste désir de ne pas souffrir seul. Pourquoi pleurer seul, après tout ? Si mes larmes devaient couler, autant que Jean-Charles les partage avec moi. Et si je devais le faire pleurer, que mes propres yeux soient aussi humides. Ses paroles avaient agi. S'il y avait bien une chose qui pouvait aisément sceller mes lèvres, c'était le rappel des failles de ma famille. Pendant tant d'années, j'avais tenté de les masquer, de les protéger par des illusions, de les présenter comme des saints. Mais chaque retour à la maison, chaque fois que le regard désespéré de ma mère croisait le mien, la vérité me rattrapait brutalement, m'immobilisant par une chaîne invisible. Le dos courbé, les yeux écartés, la respiration forte, comme une voiture coincée dans une flaque d'eau profonde qui essaie d'avancer, je répondais. « Si seulement tu savais ! Je n'ai plus de choix que d'y croire. Nous sommes obligés de subir le destin. Les lâches ont beau essayer de l'éviter, il les rattrape toujours. » L'ombre d'une imagination qui me dépeignait en robe de mariée assombrit ma face : Mon maquillage semblait être comme je n'en avais jamais vu, mais même au travers de ce filtre, la désolation pouvait se lire à première vue. Il mit ses mains en poches. « Raconte-moi. » Et nos regards apeurés se croisèrent. » Je le retrouvais enfin. Ce Jean-Charles qui me soutenait toujours dans les moments les plus difficiles, qui était le premier à voir quand j'allais mal, ce héros qui courait avant même qu'une larme ne pense à déchirer la peau de mon visage. Mais je ne pouvais pas exposer les intentions de mes parents. Pas maintenant. Pas encore. Il me fallait être sûre de sortir de ce pétrin avant de raconter ce problème en riant. « Le fait que tu faisais partie des rares personnes à réellement se préoccuper de moi, m'avait manqué. Depuis le début de ta relation avec Esméralda, j'avais l'impression de t'avoir perdu, ç'a commencé lentement et puis tu t'es complètement effacé. » Une grimace attristée se dessina sur ma face. « Je me souviens encore de lorsqu'elle me racontait comment elle t'observait et voulait à tout prix t'approcher. Elle me posait sans cesse des questions sur ce type mystérieux, elle pensait même que j'étais amoureuse de toi. J'avais dû lui expliquer que tu n'étais qu'un ami d'enfance. » Un rire fou nostalgique résonna dans mon thorax et émergea dans l'air. « Si seulement tu pouvais voir la tête que tu faisais lorsque je t'avais confié qu'Esméralda était attirée par toi. J'avais l'impression que tu n'avais jamais entendu quelque chose d'aussi beau. » Un silence pesant, presque oppressant, lia nos gorges tout à coup. Le temps ralentit et tout autour disparut. Il ne restait plus que nous deux et les feuilles qui dansaient sur les ailes du vent. Quelquefois, elles formaient une tornade autour de nous ou elles tombaient sur nos pieds. « Je te demande pardon, Jolivia. » Sa mine sérieuse arracha mon sourire. « À vrai dire, je... Ce n'est pas que je veux comparer ce que mon frère ressent pour toi à ce que j'ai pu ressentir pour Esméralda. Mais je comprends pourquoi... Il peut agir autant comme un fou... » Il prenait de multiples pauses entre ses mots, possiblement ressentant à chaque syllabe prononcée d'intenses maux. « Pour te dire la vérité, depuis le jour même où tu as commencé à traîner avec Esméralda, c'était le coup de foudre. Je ne te l'avais jamais dit parce que je pensais que cette histoire n'irait nulle part. J'aurais parlé d'un amour qui n'aurait jamais existé. Alors dès que j'ai su ça... Qu'elle m'aimait... J'étais fou de joie. » Un faible : « Quoi », arpenta mes lèvres. Quelle souffrance ç'avait dû être d'aimer une fille en silence aussi longtemps. « Je ne voulais pas la perdre. Je ne voulais pas te perdre non plus, mais je m'imaginais que... Toi, c'était juste impossible que tu m'abandonnes, car mon frère nous reliait au-delà même de notre amitié. Je ne sais pas... J'ai tout gâché en essayant de tout sauver. » Jean-Charles était immobile, comme s'il lisait à travers les lignes du vide, comme si son corps n'existait plus et que c'était son âme exposée face à moi.
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