La demande de Soren
Un héritier ? se répéta Izia intérieurement.
Ce matin même, la jeune princesse qu’elle était, ne se doutait pas qu’en quelques heures, elle passerait par toutes ces mésaventures et surtout cette disgrâce.
Comme si la perte de son royaume et la mort de son père n’étaient pas suffisantes, la voilà qui se retrouvait à marchander sa vertu en échange de la vie de son frère.
_ Sire, on s’était mis d’accord sur les modalités de notre union… Vous ne pouvez me demander une telle chose…
_ Je ne vous force à rien ma reine. Mais puisque c’est une étrangère qui me donnera des fils, je ne puis garder votre frère en vie, j’en suis navré.
_ Sire…
_ Il suffit ! Vous m’avez demandé ce que vous pouviez faire pour légitimer mon règne, et dissuader les vôtres de remettre ce dernier en question, alors je l’ai fait. Si ma réponse ne vous convient pas, je ne peux rien de plus pour vous.
Les mots cinglants et dénués d’empathie de ce sans cœur, firent frémir Izia. Elle qui s’était donnée du courage, en se disant que ce mariage serait un bon moyen de donner du temps aux siens pour reformer leurs troupes, et reprendre le pays, elle s’était fourvoyée.
Soren Daskar n’avait rien laissé au hasard. Et contrairement à eux, il s’était préparé à toutes les éventualités.
_ Vous aviez en tête de me circonvenir depuis le début, sire. Ce stratagème immonde n’est qu’un moyen d’arriver à vos fins.
_ Pensez ce qui vous plaît, répliqua le souverain en la dominant de sa stature et en esquissant un léger sourire, mais avant de jouer les prudes effarouchés, je tiens à vous assurer que vous ne perdrez pas au change.
La tournure que prenait cette conversation, mit la jeune reine mal à l’aise. Elle qui avait baigné dans la plus grande des pudeurs, se retrouvait à devoir répondre à ce grossier personnage.
Les joues empourprées comme jamais, elle baissa la tête avant de répondre :
_ Je vous prierai, de vous montrer moins inconvenant, monsieur. Si dans vos contrées, les femmes se plaisent à entendre pareilles grossièretés, ici, il en va autrement…
Alors qu’elle ne s’attendait pas un seul instant à ce geste, le souverain lui saisit la taille et l’attira à lui.
Après avoir étouffé un cri de surprise, Izia se figea. Jamais elle ne s’était retrouvée aussi proche d’un homme. Le visage de Soren était si près du sien, qu’elle sentait son souffle sur sa peau. Doucement, et bien malgré elle, la jeune femme commençait à ressentir une chaleur étrange l’envahir. Une chaleur qui avait pris naissance dans son ventre avant d’irradier dans toutes ses veines.
_ Qu’elles soient de ma contrée ou de la vôtre, répliqua le roi d’une voix plus basse, les besoins d’une femme restent inchangés madame. Et ce qui fait chavirer l’une, fera aussi chavirer l’autre…
Le cœur d’Izia se mit à battre plus fort dans sa poitrine, et la chaleur qu’elle ressentait s’affirma.
Du désir…
Elle était inexpérimentée en la matière, mais la jeune femme sut aussitôt que le besoin qu’elle éprouvait à cet instant, et l’attirance outrancière qui se précisait pour Soren Daskar, n’était autre que cette chose que l’on nommait « désir ».
« Bon sang ressaisis-toi ! tenta-t-elle de se reprendre. Tu es une fille éduquée et tu ne dois pas t’abaisser à pareilles ribauderies. »
Alors qu’en dépit de ses débâcles intérieures, Izia ne pouvait plus décrocher son regard de celui de son mari, ce dernier se pencha encore plus sur elle.
Allait-il vraiment faire, ce qu’elle pensait, qu’il allait faire ?
Là ? Dans ce couloir ? Devant son domestique ?
Comprenant que son corps était incapable de se soustraire à celui de Soren, et que ses lèvres allaient effleurer les siennes sous peu, la jeune femme n’eut d’autre choix que de fermer les yeux et se soumettre à ce qui allait venir…
***
Il fallait dire que Soren en avait enlacé des femmes, mais si chez lui ces dernières étaient entreprenantes et plutôt à l’aise au sujet de l’amour, celle qui lui faisait face aujourd’hui, semblait bien mal assurée et timide à souhait.
Alors qu’il n’avait eu pour but que de taquiner Izia et la réduire au silence, Soren sentit naître en lui un intérêt insoupçonné.
Comme s’il se trouvait seul avec elle, le souverain se pencha encore un peu plus sur le visage de son épouse. Ses lèvres pleines semblaient attendre les siennes, et il avait beau l’examiner, elle ne montrait aucun signe d’opposition. Au contraire, elle ferma les yeux pour accueillir son b****r…
Se reprenant in extremis, Soren se redressa et lâcha sa prise.
_ Vous voyez madame, dit-il mécontent de ressentir cette attirance pour son ennemie, toute décente et chaste que vous êtes, vous ne faites pas exception en ce qui concerne le plaisir des sens.
Enfin chaste, c’était encore à prouver, se dit le souverain en s’amusant de voir cette fille s’empourprer jusqu’aux oreilles. S’il était certain qu’elle était peu expérimentée, cela ne voulait pas dire qu’elle ne l’était pas du tout.
_ Vous êtes vraiment un insolent ! Un rustre de la pire espèce ! le fustigea la jeune reine d’un regard noir.
Et alors qu’elle voulait tourner les talons pour s’en aller, il la retint par le bras et l’obligea à se retourner vers lui.
À ce geste la coiffe en tissu qui retenait ses cheveux cachés, et qu’elle avait gardé depuis qu’elle était sortie le rejoindre, se défit.
Une magnifique crinière noire ondula autour du visage doux d’Izia. Soren qui allait répliquer à l’insulte, se retrouva totalement interdit.
La douceur et la délicatesse de cette fille avaient déjà bien intrigué le souverain, mais ses traits lui étaient apparus simples avant cet instant. Avant que cette parure de jais ne vienne souligner sa beauté et augmenter sa désirabilité.
_ Lâchez-moi, sire ! Vous me faites mal…
Saisit par tant de splendeur et encore vivement en colère contre la jeune reine, le roi ne voulut plus se retenir, ni se laisser raisonner par sa conscience. Il attira Izia à lui dans un geste presque brusque, et captura ses lèvres douces…