XI-
Je me lève, complètement vidé et cuit au soleil pour voir dans la salle de bain ce qu'il en est de mon état. Il n'y a pas beaucoup de dégâts mais, le tout n'est pas si joli que ça. Je viens de me bagarrer quand même.
C'est la première fois que cela m'arrive et j'avoue que ça m'a fait du bien même si c'était moi versus Mike. Je suis triste à l'idée d'avoir perdu mon seul ami. Il pense le pire de moi et je ne sais pas comment on n'est arrivés là.
— Saleté de coup du sort. je me dis.
"Me voilà de retour à ma fichu, vide et misérable vie d'avant, seul comme jamais."
Je rigole tout seul et me fait revenir à l'évidence.
"Quel c*n as tu été Anani. Ta vie, ton quotidien ne risque pas de changer aussitôt, mon pauvre. Tu es seul et le demeurera. Apprends à vivre avec ; surtout avec cet homme qui t'appelle depuis un certain temps. Ton existence sera encore pire qu'elle ne l'était déjà. "
Ma crise de rire ironique s'arrête et je soupire en me penchant sur mes blessures. Je soigne mes quelques bleus et redescends mettre des glaçons pour ma lèvre inférieure et la tempe. L'appétit m'ayant été coupé, je mets les pâtes au frigo pour en faire mon dîner de ce soir.
Le reste du weekend s'est écoulé assez lentement à mon avis. Je n'ai eu rien à faire d'extraordinaire. Mon monde terne et mélancolique était de retour. J'ai passé mes journées à boire un mélange whisky-jus d'orange pour accompagner ma solitude, à angoisser par rapport au prochain appel et à contacter Mike afin de comprendre ce qu'il se passe réellement.
Mon ex ami n'a jamais décroché. J'ai dû appeler Allena pour avoir de ces nouvelles mais n'a rien voulu me dire par rapport à l'état de santé d'Amalia. Je suppose qu'elle va bien. Celle ci m'a répondu une fois et, je suppose que c'est à cause de son petit ami, elle ne répond que rarement à mes appels. Je pouvais la comprendre et au bout du sixième appel manqué, j'ai laissé tombé. Cette fille est géniale et je ne veux pas lui attirer des problèmes avec Mike.
Les cauchemars ont continués de plus belle, ce qui m'a aussi poussé à me ravitailler en anticernes. Pour moi, il était hors de question que j'attire l'attention.
Lundi a fini par arriver. Je n'ai pas eu envie d'aller en cours mais, les examens approchent à grands pas et je dois réussir cette année pour me barrer d'ici. Avant de sortir, je suis passé près du fixe rétro, hésitant à poursuivre ma route. Finalement, le coup de fil que j'attendais ne vient pas et j'en ai été soulagé. Mardi aussi, cela a été pareil. Il n'y pas eu de signe du psychopathe.
Deux semaines plus tard
"Deux semaines. Cela fait deux semaines que ce homme ne m'a plus contacté. M'a t-il oublié? S'est il lassé de moi? Ou, est il mort? Je l'espère." Ce sont mes pensées en ce jeudi matin quand je passe une énième fois près du téléphone.
"Tout ça se termine finalement et bien vite. Je vais pouvoir passer sans me soucier de cet appareil et du c*****d qui voulait me rendre fou. " pensé je.
Les choses ne se sont pas arrangées avec Mike et j'ai fini par décider qu'il fallait mieux laisser tomber. Cela ne sert à rien d'insister, peut importe s'il y a des choses sur lesquelles je dois avoir des explications. Je suis allé à la plage chaque week-end pour me détendre mais aussi avec l'espoir de le revoir mais, rien. Il doit m'éviter.
Je n'ai croisé que deux de ses amis qui m'ont juste salué de la tête. Ils ne m'ont pas adressé la parole et les regards qu'ils me lançaient à ce moment là m'ont prouvé qu'ils ne me portent pas trop dans leurs cœurs. Je suis toujours aussi confus par la tournure qu'ont pris les évènements mais a dû me résoudre à tourner la page.
" Mike va me manquer, c'est certain."
J'ai aussi dû me rattraper dans mes cours durant ces deux semaines. Avec mon addiction grandissante, mes résultats en avaient pâti; il me fallait donc remonter la pente si je voulais avoir ce foutu bac cette année.
" J'en ai bien baver pour me mettre à jour, surtout que je n'ai personne pour me donner des explications."
Soudain, le téléphone sonne et mon cœur manque de lâcher.
J'ai peur de répondre.
"Est-ce que c'est lui? Me serais-je trompé ?"
Une boule se noue dans mon estomac. Le salon, la maison toute entière a disparu autour de moi. À cet instant, il n'y a que ce téléphone et moi au beau milieu d'un univers sombre. La sonnerie me casse les tympans. J'ai l'impression que ma tête va exploser. Mes pieds tremblent et mes mains sont postés au dessus de l'appareil.
"Allez... Décroche. Une vie dépend de toi. Ou, il se peut que tu te trompes. Vas y, vieux."
J'essaie de me motiver mentalement. Je dois répondre. Je ne suis pas un pleutre. Même si ces derniers temps je me suis laissé emporté par la boisson pour fuir ma vie de m***e.
"Je dois décrocher."
Je finis par décrocher, le cœur au bord d'une falaise imaginaire. C'est la voix presque chevrotante d'une femme que j'entends au bout du fil.
— Allô !
— Oui? Qui est-ce s'il vous plaît ?
— Je suis Nouria, la femme de ménage.
Le souffle que j'avais retenu se libère. Je me détend, soulagé. Un large sourire étire alors mes lèvres puis, je me mets à rire comme un c*n. La pression était retombée.
— Comment osez vous me rire au nez? Vous les jeunes riches... Ce n'est pas parce que je suis votre femme de ménage que vous devez me manquer de respect. Compris?
— Pardon. Excusez moi madame. J'avais juste vu une vidéo drôle sur le net. je lui dis après m'être calmé.
— Bon. C'est juste pour vous informer que je ne pourrai pas venir aujourd'hui. J'ai eu une urgence.
— Ah! J'espère que ce n'est pas grave.
— Non. Non. Ne vous inquiétez pas. répond t-elle sans une once de colère dans la voix.
— D'accord. Faites comme vous voulez madame. Vous pouvez venir à n'importe quel moment. Demain ou après-demain si vous le souhaitez. Je n'ai pas d'ordre à vous imposer, vous savez? je lui réponds gentiment.
Je suis assez heureux pour ce matin; à tel point que je suis tout gentil avec cette femme que je n'ai jamais vu et que je n'appréciais pas.
"D'ailleurs. Comment fait elle pour que je ne la rencontre jamais ?"
— D'accord. À plus tard, jeune homme.
— Au revoir, madame.
Je raccroche le cœur en paix. Toute mon angoisse s'est dissipée ; je suis aux anges. Cet homme m'a bel et bien oublié ou est mort ou je ne sais trop. Qu'importe, il n'est plus dans ma vie. Je peux respirer et me détendre. Cependant, je reviens à la réalité lorsque je me rends compte que je suis en retard.
"m***e. Il faudra que je fonce comme une fusée ."
Je cours et part chercher mon skate dans le garage. Ce dernier est toujours vide quand j'y entre, comme si mes parents n'y ont jamais déposés leurs voitures. Pourtant, il m'arrive de voir de petites traces de pneu en de rares matins. Ce qui me prouve qu'ils viennent sans que je ne le sache et s'en vont comme des voleurs dès l'aube. La dernière fois que j'ai aperçu leurs caisses, cela remonte bien au premier janvier.
Je récupère ma planche et sors de cette maison. Je dépasse comme à mon habitude les demeures du voisinage. Arrivé près de l'arrêt bus, je remarque une chevelure qui me semble familier.
Assise, les yeux rivés dans un bouquin, Allena ne fait pas attention à moi quand je m'arrête à son niveau. J'hésite à lui adresser la parole.
"Peut-être qu'elle n'a pas envie de me parler. Je ferais mieux de partir. Mais qu'est ce qu'il m'a pris ?"
Quand je décide de faire demi-tour, elle lève la tête vers moi.
"Et m***e !"
Son bouquin est posé sur ses jambes et j'arrive à en lire le titre.
"Sac d'os de Stephen King "
— Euh... Salut. lui dis je gêné.
— Salut, me répond t-elle. Ça...va?
— Ouais. Et ... Toi ?
Allena hoche la tête.
— Et Mike?
— Ça va.
Elle a l'air autant embarrassée que moi. Je me gratte la nuque tandis qu'elle regarde dans ma direction mais ailleurs. Nous n'avons rien à nous dire alors, à quoi bon être venu? Après une minute de silence, pendant lequel je me demande ce que je fais, ma bouche fini par s'ouvrir toute seule.
" Je n'ai rien à foutre ici."
— Bon... Et bien... À plus.
Je me mets sur ma planche et me retourne, prêt à partir .
— Attends.
Je m'arrête net. Elle vient se tenir face à moi, le regard fuyant. Pourquoi m'a t-elle retenu? Que veut elle me dire?
— Je... Euh... Désolée. Tu dois être pressé. dit elle en jetant un coup d'œil à mon sac.
Elle se balance d'une jambe à l'autre. Je la trouve mignonne comme ça.
— T'inquiète. Je suis déjà en retard donc, je ne le suis plus.
— Pardon.
— Tu n'as pas à t'excuser.
— Ah!
— Et toi? Que fais tu ici?
— J'ai séché.
Je suis étonné. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit une fille à faire l'école buissonnière.
— Allez. Viens t'asseoir.
Nous prenons place. Un autre silence s'installe et cette fois-ci, c'est Allena qui le brise.
— Je m'excuse de n'avoir pas souvent répondu à tes appels. Mike m'a juste demandé de ne plus t'adresser la parole. Il pense que tu es dangereux.
— Je voie.
C'est tout ce que j'ai pu dire. Jusqu'à maintenant, je n'ai aucune idée de ce qu'il s'est passé depuis l'incident et je suis toujours aussi largué par le changement brusque de mon ex ami.
— Que s'est-il passé avec lui ?
Sa question me surprend. Je pensais qu'en tant que sa petite amie, il lui aurait dit quelque chose.
Elle pense trouver des réponses chez moi alors que je suis aussi largué qu'elle.
— Ma foi! Je n'en ai aucune idée. Il a juste débarqué chez moi le lendemain de l'incident et m'a frappé sans que je ne sache pourquoi.
— Il est toujours furaxe quand je lui parle de toi. De plus, il m'avait même dit qu'il irait à la police pour t'envoyer en prison.
"En prison? Il est taré, ce mec. "
— QUOI? COMMENT ÇA ? MAIS JE NE LUI AI RIEN FAIT !
— Calme toi.
— COMMENT VEUX TU QUE JE ME CALME? TON MEC M'ACCUSE DE JE NE SAIS QUOI ET VEUX M'ENVOYER EN PRISON POUR DES RAISONS QUE J'IGNORE.
— Je ... Je suis désolée. D'accord ? Il ne m'a rien dit. Tout comme toi, je suis perdue. Pour le moment, il n'est pas encore parti voir la police et je ne sais pas pourquoi. Cependant, nous pouvons essayer de savoir le pourquoi du comment.
Ses mots ne m'apaisent pas mais je dois me calmer.
— Pourquoi veux tu qu'on en sache plus ?
— Je veux t'aider.
— Pourquoi ?
— Je ne pense pas que tu sois aussi dangereux qu'il le croit. Sinon, Amalia n'aurait pas eu confiance en toi.
Mon cœur se serre à l'évocation de ce prénom. Les souvenirs de cette nuit là me reviennent en mémoire. Cette petite ne mérite pas de souffrir par ma faute car oui, tout était de ma faute. Je n'aurais pas dû me rendre au poste de police. Non. Je souhaite de tout cœur qu'elle n'a gardée aucune séquelle.
— En parlant d'elle, comment est ce qu'elle va?
— Bien. Bien. Elle ne se souvient de rien et c'est mieux ainsi, je trouve.
— Ouais. T'as raison. Il vaut mieux qu'elle oublie ce qu'elle a vécue.
— Dis moi. Comment l'avais tu retrouvée? Mike et moi n'aurions jamais pensé qu'elle serait à la plage de Fairy. T'es une sorte de voyant où était ce le fruit du hasard ?
Je souris face à sa dernière remarque. C'était tout sauf le fruit du hasard et ce n'était pas moi le voyant.
" Pour faire court, c'est un psychopathe qui m'avait lancé sur sa piste par un petit jeu de devinette."
C'est ce que j'aurais voulu répondre mais me ravise. Je ne sais pas si je dois lui dire la vérité ou pas. Et si c'est nécessaire, il faut que j'arrive à trouver le meilleur moyen de le faire.
— Et bien.... Je... Euh... bredouillé-je.
Allena me fixe avec attention.
"Dois-je lui dire la vérité ou pas?"
Je décide finalement de me lancer.
Qu'est ce que j'ai à perdre de toute façon. Il ne s'en prendra pas à elle vu qu'elle ne travaille pas dans la police ni robe du genre.
— Par où commencer ?