Le Téléphone Sonne

XVIII-Une nouvelle amie

— Je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas sortir d'ici aujourd'hui non plus. je demande à Élie. Je vais bien.

Il est presque midi et suis assis dans le jardin de l'hôpital à profiter de l'air frais en compagnie de l'infirmière qui ne veut pas me lâcher. J'en avais marre de rester dans mon lit avec cette odeur qui me donnait la nausée.

" Au moins ici, l'air est respirable."

Élie soupire avant de me gratifier de son éternel sourire.

— Il est préférable de te garder en observation et de te faire suivre.

— Par un psy? Non. Merci. Ce sont des charlatans, ces gens là.

— Tu ne crois pas si bien dire. Ils ont cette façon de te sonder et de te connaître plus que toi même... C'est assez dérangeant.

Je hausse un sourcil.

— Tu parle comme une habituée.

— Ma tante est psychologue.

— Oh! Je vois. C'est pour ça que tu m'as parlé comme si tu en étais une? Genre, tu as appris d'elle?

— Non. J'ai été sa patiente, une fois. Je voulais juste m'amuser mais au final, j'ai regretté mon geste. Aussi, avais je suivi des cours de psychologie à la fac et eu mon diplôme. Ma mère voulait que j'embrasse ce beau métier. Elle en rêvait tous les jours et ne s'embêtait pas à me le dire.

— Donc, tu es infirmière et psy?

— Non. Je n'ai jamais exercé en fait. Moi, je voulais être infirmière. C'est tout. Et tu sais comment j'ai fait?

Je secoue la tête et elle me fait un clin d'œil.

— Je me suis inscrite en cours de psychologie à la fac tout en suivant des cours du soir dans une institue médico sanitaire. Tant que je lui montrais de bons résultats, ma mère ne se doutait de rien. Elle en était aux anges alors, imagine quand elle a su que je suis devenue infirmière. J'ai crû qu'elle allait m'étrangler sur place. Bref, tu sais quoi?

Elle me sourit.

— Je vais devenir médecin généraliste. Au moins comme ça, je crois lui faire moins de mal.

Puis, elle prend un air un peu plus sérieux.

— Certains parents veulent que leurs enfants soient ce qu'ils conçoivent pour eux dès le départ. Hors, les choses ne sont pas ainsi faites. Chaque être humain a sa façon d'être et ses rêves. Ils ne peuvent pas nous imposer leurs rêves à eux, même s'ils croivent que c'est pour notre bien; tu ne crois pas?

— Peut-être bien. Mais, elle au moins, je suis sûr qu'elle est toujours là pour toi, à te faire des repas, à t'aider à faire tes devoirs et autres.

— Oui. On ne vas pas dire qu'elle a chômé depuis le départ de mon père. Malgré mes bêtises, elle me soutient quoi qu'il arrive.

— Ah! Je suis désolé.

— Ne t'inquiètes pas. Ça ne me touche plus tellement c'était il y a longtemps.

— En tout cas, j'aurais préféré avoir une mère comme la tienne plutôt.

— Écoute, être de bons parents n'est pas aussi facile que tu le crois. C'est le plus dur métier qui soit. Moi, je crois que les tiens tiennent à toi mais ont du mal à savoir comment se comporter et je crois qu'ils essaient de profiter de cette situation pour apprendre à mieux te connaître.

— Pfff. C'est ce que tu crois. Ils se sentent juste coupables et dès que je sortirai d'ici, ils s'empresseront de retourner à leurs habitudes de lâcheur.

— Peut-être bien. répète t-elle à son tour. Mais tu n'es pas dans leurs têtes pour anticiper cela. Moi, j'ai l'impression qu'ils ont envie de faire des efforts pour toi.

— Il commence à faire chaud ici, dis je pour couper court à la conversation. Rentrons.

Je me lève instantanément. Élie en fait de même et me conduit dans les longs couloirs blancs pour que je revienne à ma chambre.

Lorsque nous arrivons presque à destination, je remarque une silhouette familière au pas de la porte. Il ne me faut pas longtemps pour la reconnaître. Je me réduis la distance entre ma visiteuse et moi. Quand ses jolis yeux marrons se posent sur moi, je peux y lire plusieurs émotions que je n'arrive pas à distinguer.

— Anani. souffle t-elle avant de me serrer dans ses bras.

Élie dit quelque chose que je n'écoute pas. Elle doit sûrement nous dire qu'elle nous laisse seuls.

— Allena.

Elle m'avait manqué; bien plus que je l'aurais pensé.

Je me détache d'elle et l'entraîne à l'intérieur. Nous nous asseyons sur mon lit.

— Je ne pensais pas te voir ici. Comment as tu su? Comment es tu venue?

— Moi aussi, je suis contente de te voir et de savoir que tu vas bien.

Elle m'a l'air triste tout à coup et je m'excuse aussitôt.

— Alors, qu'est ce qui s'est passé?

Je fuis son regard, l'air coupable et honteux. Je n'ai pas hésité à la laisser tomber.

"Au fond, je ne suis qu'un lâcheur moi aussi. Ce doit être dans les veines. "

— Pardonne moi.

Allena penche la tête d'un côté.

— De quoi?

— Je t'ai laissé tombé. Je n'ai pas crû que tu pouvais faire quelque chose pour moi. J'avais oublié que je n'étais pas seul.

— Ça arrive à tout le monde de faire des erreurs, même une erreur comme la tienne.

— Quand je me suis réveillé, l'erreur pour moi a été d'avoir survécu.

Un silence lourd s'abat dans la pièce. J'observe le fond de la pièce puis, le visage d'Allena tandis qu'elle se contente de triturer ses doigts, une mine triste sur le visage.

J'ai l'impression que quelque chose ne va pas; que cette mine affligée qu'elle affiche n'est pas seulement dû à mon état et à mes paroles. Cependant, je me garde de lui poser des questions. Il se pourrait que je me trompe. Je ne sais pas quoi lui dire et j'ai l'impression que c'est son cas aussi.

Nous restons ainsi, chacun évitant le regard de l'autre et, après un moment qui me semble avoir été une éternité, Allena finit par ouvrir la bouche. Elle se lève.

— Je dois y aller. Tu dois te reposer alors, je ne vais pas t'embêter plus longtemps.

Le temps que je prononce ne serait ce qu'une syllabe, elle avait déjà fui; en tout cas, c'est l'impression qu'elle m'a donné.

— Attends. chuchoté je alors que sa silhouette n'est plus dans mon champ de vision.

Je me laisse tomber sur mon lit en soupirant.

"À quoi est-ce que je m'attendais au juste? Qu'elle se jette dans les bras les yeux pleins de larmes? Que nous mettrons à bavarder comme si de rien n'était?"

Un plus long soupir s'échappe de mes lèvres.

"J'ai été stupide. Pourquoi faut-il toujours que je refuse la main que l'on me tend?"

— Alors?

La voix d'Élie me fait sursauter.

— J'ai failli avoir une attaque, dis je d'un ton accusateur.

— Oh! Pardon, dit elle d'un air faussement désolé.

"Elle se paie ma tête."

Élie prend une chaise et vient s'asseoir près de moi. Je me tourne pour lui faire dos.

— Ça s'est si mal passé que ça? Je l'ai vu s'éloigner les larmes aux yeux et toi, je te retrouve aussi triste qu'un gosse abandonné.

— Ça ne te regarde pas. lancé je par dessus mon épaule.

— Bien au contraire. Tu es mon patient et ton bien-être m'importe beaucoup. Alors, dis moi. Elle t'a largué ou c'est toi qui l'a fait? Mais bon... Tu sais ce qu'on dit; une de perdue, dix de retrouvées...

— Ce n'est pas ce que tu crois.

— Et qu'est-ce ce que je crois selon toi?

— Allena et moi sommes juste amis.

— Ah bon! J'aurais parié le contraire. Ça se voit qu'elle tient beaucoup à toi et l'inverse également.

— Tu te trompes. Elle a déjà quelqu'un dans sa vie; une personne qu'elle aime plus que moi et qui plus est mon ami.

"Ex amis"

Cette pensée me noie toujours l'estomac et la douleur est plus intense quand des souvenirs de mon rêve me reviennent en mémoire.

— Alors, tu préfères t'éffacer.

Je ne réplique pas.

— Moi, je crois que tu devrais tenter ta chance.

Je me tourne vivement pour lui faire face.

—Pardon?

Elle se met à rigoler.

— Ah! Enfin! Tu veux bien me montrer ton visage.

— Tu m'as raconté tout ton baratin pour que tu puisses me regarder? J'aurais dû m'en douter.

— Pas du tout. Ce que j'ai dit, je le pense vraiment. Tu sais, qui ne tente rien n'a rien.

Elle me fait un clin d'œil.

— Oublies ça. Il n'y a rien à faire. D'ailleurs, pourquoi est-ce que j'ai cette discussion avec toi?

La jeune infirmière pose ses doigts sous son menton et plisse les yeux.

— Intéressant... Très intéressant...

— Quoi?

— Mr est amoureux.

— Quoi? C'est ridicule.

— À d'autres.

— Pfff. Pense ce que tu veux.

Je lui tourne le dos et ferme les yeux pour trouver le sommeil.

— Fuir ne te servira à rien.

— Humm...