XVII-Le réveil

1500 Mots
Je me réveille en sursaut, la gorge atrocement sèche et une envie pressante de vomir. Je me précipite vers la salle de bain en courant. Heureux de ne trouver personne sur ma route -il vaut mieux pour eux-, je claque la porte derrière moi et vide le contenu de mon estomac. Une odeur immonde se répand autour de moi. Celle-ci vient surtout de moi. Je sens la sueur et me rends compte que je n'ai pas pris de douche. Un soupire traverse les lèvres tandis que je verrouille la porte. La perspective d'un bon bain s'immisce dans mon esprit et je remplis la baignoire. Je me débarrasse de mon haut et de mes chaussures. Sans savoir comment mes yeux se posent sur le lavabo où se trouve un rasoir. Je me saisis de l'objet et le scrute avec intérêt. " Je pourrais en finir ; plonger dans un sommeil doux et éternel, ne plus avoir à me poser des questions ou souffrir. " Je m'installe dans la baignoire. L'eau est froide. Mes poignets sont bien en vue sur les rebords. Sans trop réfléchir, je passe le premier coup de lame. Une décharge électrique parcourt l'entaille puis l'ensemble de mon corps. Un frisson fait hérisser mes poils. "Je ne dois pas réfléchir." Le sang qui coule le long de mon poignet gauche ne me satisfait pas. "Il en faut plus." Alors, je continue afin d'avoir le résultat que je cherche. Après en avoir fini avec le côté gauche, je m'attaque au droit. Je laisse tomber le rasoir au sol et regarde le plafond au-dessus de ma tête. La fatigue commence à se faire sentir en moi. J'ai froid. Je veux dormir. Mes yeux se ferment petit à petit. Le visage d'Allena s'insurge devant moi. "Tu vas me manquer. J'espère que tu comprendras." Je me laisse emporter dans les délicieux bras de la mort. "Il ne faut penser à rien. Non. À rien. Pas de regret. Je suis en paix. De plus, si je meurs, il n'y aura plus de jeux et plus de morts." *** Il fait noir. Il fait froid. Il n'y a aucun son. "Où suis-je?" Je sens l'eau sur mon corps qui me semble flotter. Il n'y a que du vide au-dessous de moi. J'essaie péniblement d'ouvrir les yeux. Soudain, quelque chose m'agrippe les jambes et me fait plonger vers le bas. Instinctivement, je retiens ma respiration et soulève mes paupières. "Je suis bien sous l'eau." Je ne reconnais pas ma baignoire. Au-dessus de moi, il y a de la lumière. Cette dernière s'infiltre de part en part et je peux constater le bleu de l'eau. Pris de panique, je me débats et essaie de remonter à la surface pour ne pas me noyer ; chose vaine. Une tête apparaît dans mon champ de vision. Puis, un corps s'avance vers moi. J'ouvre grand les yeux quand je reconnais la personne. "Mike?" Mon ancien ami me fixe sans un mot. Il est là devant moi, le regard vide, les lèvres bleues. Il ne semble pas avoir besoin de respirer. "Que fais-tu là ?" Il marmonne quelque chose que je ne pige pas et ignore en ne voyant aucune bulle s'échapper de sa bouche. Je suis intrigué et effrayé. Sans que je m'y sois préparé, les mains de Mike s'emparent de mon cou et serrent leur éteinte. Je lâche une bouffée d'air et me débat. Mes mains s'attaquent à l'étau pour le desserrer, mais c'est peine perdue. " Qu'est-ce qui se passe ? Suis-je en train de mourir alors que je le suis déjà ? Et pourquoi est-ce que je rêve de toi, Mike ?" L'eau s'infiltre dans mes poumons. Je ne peux plus respirer. Mes yeux se referment et je sens mes forces m'abandonner. Et il y a ce bruit au loin... Qu'est-ce que c'est ? Lorsque je me réveille, une lumière blanche me grille presque les yeux. Il n'y eu plus cette sensation d'eau sur moi. "Suis-je d'en l'au-delà ?" Mes sens, tout d'abord faibles s'améliorent peu à peu sans pour autant m'aider à distinguer grande chose. Des bips incessants près de moi me font presque mal à la tête. Je manque de force ; mes paupières sont lourdes et je sombre dans le néant encore une fois. Encore ce même rêve. L'eau, Mike, mon étouffement. Je ne comprends pas. Je dois sortir de ce rêve. Il le faut. Mon second réveil est assez brutal. J'inspire tel un poisson hors de l'eau, cherchant à tout pris l'oxygène dont j'ai besoin. Mon cœur tambourine dans ma poitrine tel un tam-tam aux rythmes effrénés. Ma gorge est sèche et ma tête me donne l'impression d'avoir fait un grand huit. Mes yeux sont grands ouverts et je me sens bien plus en forme qu'avant. Ma vue s'est adaptée à la lumière. Les bips que j'avais entendus sont devenus plus rapides. Je détaille l'endroit où je suis. Les murs ainsi que le lit sur lequel je suis sont blancs. Il n'y avait que cette seule fenêtre recouverte d'un rideau de la même couleur . Les bips viennent d'un électrocardiogramme à ma droite. Un long fil rempli d'un liquide rouge est aussi dans mon champ de vision. Celui-ci vient terminer sa course dans mon avant-bras. Je remarque que je suis relié à une poche de sang. Mes poignets sont recouverts de bandages. La désagréable odeur de désinfectant et autre m'indique sans aucune erreur que je suis dans une chambre d'hôpital ; ce qui signifie que ma tentative de trouver une paix durable a échoué. "Mais qu'est-ce que je fiche ici ?" Pour toute réponse, un homme en blouse blanche et une femme en tenue d'infirmière font leur entrée. Je veux me lever et partir d'ici, mais ce traître de vertige m'en dissuade. — Reste allongé. me dit l'infirmière avec une voix douce et un sourire bienveillant plaqué sur les lèvres. Elle pose ses mains sur mon épaule pour m'obliger à obéir. C'est une jeune femme qui doit avoir dans la vingtaine et qui semble être nouvelle vu sa façon de se comporter. Les infirmières que j'ai connu étaient souvent vielle et pas très indulgentes. Je soupire et me laisse faire. Le médecin se rapproche de moi, me mitraille les rétines avec sa petite lampe, marmonne quelque chose et écrit sur son bloc-note. Il m'inspecte avant de donner des instructions à l'infirmière. Cette dernière acquiesce souvent en un "oui docteur". — Repose toi. me dit le médecin avant de quitter la pièce. — Vous, vous ne partez pas ? demandé je à l'infirmière qui est restée avec moi. — Non. Je suis là pour t'aider en cas de besoin. Au fait, je m'appelle Élie. me répond t-elle toute souriante. "Qu'est-ce qu'elle a à sourire autant d'ailleurs ?" J'esquisse un maigre sourire à son endroit, ne lui pose pas la question, et lui en soumet une toute autre. — Comment suis-je arrivé ici? — Vos... Elle ne termine pas sa phrase, car à cet instant précis, ma mère fait son entrée en trombe dans la pièce. Lorsque ses yeux se posent sur moi; ils brillent. "Je suppose que ce sont les parents qui m'ont emmené à l'hôpital. N'ont ils pas mieux fait de me laisser crever ?" Je me tourne sur le côté pour lui faire dos. J'entends ses pas s'approcher et une main se poser sur mon épaule. Je la retire d'un geste brusque. — Je crois que je vais vous laisser. dit Élie qui semble mal à l'aise. — Ce n'est pas à vous de partir. J'entends des reniflements derrière moi et des pas précipités qui s'éloignent. " Elle peut verser tout un torrent, j'en ai rien à foutre." Je me retourne pour faire face à Élie, maintenant assise sur une chaise qu'elle a sorti je ne sais où. Je n'ai pas sommeil, en tout cas, l'envie de dormir ne m'intéresse pas. La jeune infirmière observe ses doigts et évite mon regard. — C'est compliqué. lui dis-je, peut-être pour mettre fin à la mauvaise ambiance. — Comme n'importe quelle relation parent enfant. — La notre est pires. Elle lève la tête vers moi. — Tout est une question de compréhension. Je hausse un sourcil. — Vous êtes psy ? Elle sourit. — Non. Mais quelqu'un qui veut t'aider. — Vous voulez m'aider? C'est une première. Pourquoi aider un inconnu? — Je dois veiller sur toi alors, tu es loin d'être un inconnu. — Pfff. Ça se voit que vous n'avez rien d'autre à faire. Elle m'affiche son plus beau sourire. — Non. Rien du tout. Je me retourne pour lui faire dos. Son éternel sourire sent la joie de vivre et ça m'exaspère. — J'ai sommeil. dis je d'un ton sec. Je l'entends soupirer mais pas sortir de la pièce. — Euh... Vous pouvez partir. Je ne vais pas m'enfuir. — Je sais. Bonne sieste. Elle ne s'en va pas pour autant. Je ferme alors les yeux et fais mine de dormir jusqu'à ce que le sommeil tant attendu n'ai raison de moi.
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