Douche froide
Lorsque je suis rentré chez moi, raccompagné par Mike , les yeux rouges et brûlant en plus d'un mal de crâne insupportable, il était déjà tard. Je m'étais un peu libéré et je dois avouer que ça m'a fait du bien.
"Mike est un bon pote sur lequel je peux compter et en qui je peux avoir confiance. Je le sens."
J'aurais bien voulu qu'il entre et qu'on partage cette soirée chez moi mais ce mec m'a formellement recommandé de me reposer .
Mon ami n'a pas voulu insisté pour savoir ce qui se passait dans ma tête et s'est juste contenté d'être là pour moi et m'écoutait pendant que je lui étalais ce qu'est ma vie.
Quand je lui ai parlé des coups de fil que j'avais reçu, il m'avait suggéré d'aller voir la police. Ce à quoi j'ai été d'accord. Je n'y avais pas pensé au début et je crois que c'est la meilleure idée qui soit.
Fatigué d'avoir autant pleuré, je me suis dirigé vers la salle de bain et après une bonne douche, suis allé me coucher tranquillement. Il fallait que je me repose. J'en avais besoin. Cependant, le sommeil n'arrive que difficilement. J'avais peur que tout comme après la mort de Raïssa, je fasse un cauchemar sur Camilla. J'ai prié de toutes mes forces pour que cela n'arrive pas mais, on dirait que mes supplications ont butées sur un mur invisible et n'ont pas pu atteindre les oreilles de l'Entité suprême.
J'étais sur le trottoir devant la pâtisserie "La colombe". Il y avait une petite foule qui s'était formée autour de je ne sais quoi. Malgré moi, j'avais joué des coudes pour savoir ce qui pouvait bien retenir l'attention de ces gens.
Comme dans mon rêve avec Raïssa, je n'arrivais plus à bouger et restais immobile devant le corps de Camilla qui était étendu sur le sol, dans son jean bleu et son col roulé rose. Son visage était en piteux état, comme si le camion lui était passé dessus. Des fragments de crâne jonchaient près d'elle tandis que du sang, d'un rouge sombre formait presque un oreiller en dessous de sa tête, du moins, ce qu'il en restait.
J'inspectais le corps en me demandant pourquoi je ne pouvais pas m'en aller tout simplement.
" Peut-être parce que je veux la revoir une dernière fois." m'étais je dit.
Dans sa main droite, Camilla serrait fortement un sac en papier. Ce dernier portait le dessin d'une colombe ainsi que quelques écritures. J'ai alors compris qu'il s'agissait du gâteau qu'elle voulait m'offrir.
La foule avait disparue autour de nous. Il ne restait plus que moi. Je m'étais alors laissé tombé à genoux au sol, au bord des larmes. Je vivrai avec des regrets toute ma vie.
Le réveil a été brutal mais sauveur. La sonnerie de mon téléphone m'a tiré de ce mauvais rêve. Je n'étais pas en forme pour mettre un pied en cours mais me suis forcé à y aller. J'ai pensé que cela me changerait les idées.
En descendant pour prendre mon petit déjeuner, je jette un coup d'œil au téléphone du salon.
"Doux Bouda, qu'il ne sonne pas". avais-je prié.
Ma prière avait été exaucée.
J'avais remarqué que la maison était propre, sans aucune forme de saleté. La nouvelle femme de ménage avait fait du bon boulot. Ça, je devais l'admettre.
Les heures suivantes m'ont parues très longues. Je n'avais qu'une seule envie : un weekend paisible. Ce que m'avait raconté Irène sur les circonstances de la mort de Camilla me hantait ; à tel point que je n'arrivais plus à suivre correctement les cours. Mon esprit était ailleurs et tout ce qui m'importait était de me retrouver dans un endroit tranquille où ressasser les évènements qui se sont produits ces derniers jours et passer à autre chose.
Aujourd'hui, nous sommes vendredi après midi. J'ai séché le cours de la soirée pour aller signaler le harcèlement téléphonique dont j'étais victime en leur montrant les messages que j'avais reçu ainsi que ma courte discussion avec le psychopathe– je me demande s'ils m'ont pris au sérieux au commissariat– . À la sortie, j'avais reçu un message d'un numéro inconnu.
{Tu n'aurais pas dû.}
Numéro inconnu.
Même si le numéro est différent, je sais qu'il s'agit d'elle ; cette personne qui veut me faire jouer. Il m'a menacé. Je m'étais alors posé des questions.
" Comment avait il su que j'étais allé au commissariat ? Me suivrait il comme ces tarés dans les films ? "
Je me sentais alors observé et, pour me sauver de ce stress, je me suis retrouver à la plage et suis rentré pour me changer. Mike m'a invité à une fête chez lui. Je dois être là à dix neuf heures. Mon pote est un mec sympa. Il essaie de me faire plonger dans son monde et me permettre de me faire plus d'amis. C'est gentil de sa part.
"J'espère qu'Alléna sera là également. J'ai envie de me changer les idées et quoi de mieux qu'une fête et mes deux amis pour ça ?"
J'ai à peine fini de m'habiller que le fixe sonne.
"C'est lui?".
Mon cœur bat à tout rompre. Je n'ai aucune envie de décrocher mais me dit que si je ne décroche pas, il se pourrait que quelqu'un meurt par ma faute.
"Je ne sais pas encore si tout ça est réel mais, ce soir, je dois en avoir le cœur net. Je préfère m'énerver en constatant qu'il s'agit juste d'une mauvaise blague que de regretter toute ma vie de n'avoir pu rien faire pour sauver une vie. "
Sur cette pensée, je décroche.
— Salut, toi. Je t'avais dit que tu n'aurais jamais dû faire ça.
La voix étouffée n'a pas changée.
"Il doit parler du fait que je sois allé au commissariat."
Sans me contrôler, je me mets à lui poser des questions auxquelles ils n'a jamais apporté de réponses et ne le fera sûrement pas.
— Mais qui êtes vous ? Qu'est ce que vous êtes ? Un démon ?
Je l'entends rire au bout du fil. Son rire, mesquin avec une touche de perversité me donne des sueurs froides. Est-ce vraiment un psychopathe ?
— Pour avoir voulu faire le malin, je vais juste te poser une question. À toi de te débrouiller comme tu le peux.
Il marque un temps de pause. Le silence pèse sur moi. J'attends ce qu'il compte me soumettre.
— Une baignade avec quelqu'un, ça te dit ?
— Quoi ? Comment ça ?
— Tu as une heure. Tic Tac.
Il raccroche sans me donner d'autres explications.
"Une baignade ? En pleine nuit et avec cette fraîcheur ? ".
C'est stupide. Cependant, je décide de prendre les choses au sérieux cette fois ci.
Il me demande si j'aimerais me baigner. Quand il s'agit d'une baignade, il doit y avoir de l'eau ; ce qui signifie que la prochaine victime risque de se noyer alors. Ça, j'en suis presque persuadé.
"Le plus gros problème, c'est de savoir où exactement et ce, en l'espace d'une heure".
L'heure à ma montre m'indique dix huit heures trente.
Le premier point d'eau qui me vient en tête est une piscine. Mon téléphone en main, je me dirige alors vers la piscine derrière la maison au cas où. Il n'y a rien mais j'attends, assis sur le bord. Cependant, plus les minutes passent et plus je réfléchis à la situation.
"Ça ne peut pas être aussi facile que ça. Il ne m'aurait pas donné une heure juste pour trouver une solution aussi facilement."
Je regarde l'heure. Il est déjà dix neuf heures ; ce qui veut dire que j'ai déjà passé une trentaine de minutes à réfléchir ici. Je me lève avec empressement. Je n'ai plus beaucoup de temps.
"S'il ne s'agit pas de notre piscine, c'est peut être l'une des maisons aux alentours. Ce qui complique la tâche."
Normal. Je m'imagine mal frapper à toutes les portes prétendant qu'il pourrait y avoir un noyé à la piscine.
"Est ce que c'est ce qu'il veut que je fasse ? "
"J'ai mal au crâne à force de chercher quelque chose, amis, il faut que je réfléchisse au mieux. Le premier mort à été au Léonard tandis que le second était devant La colombe. Ce qui fait que les personnes meurent dans un périmètre pas très restreint si l'on prend ma maison comme point de départ. Ce qui veut dire que la noyade peut ne pas être dans ce secteur. "
"Je peux me tromper mais, je crois que je suis sur la bonne voie. Le lieu ne peut pas être trop proche, ni trop loin de chez moi. Il doit y avoir une distance raisonnable d'un kilomètre maximum à première vue. Et s'il s'agit plutôt de la piscine du collège ? La première victime s'y trouvait. Peut-être que la troisième y serait ?"
Je cours prendre mon skate et fais la route vers mon établissement.
"Il sait ce qu'il fait. J'aurai du mal à m'introduire au collège en pleine nuit et il va se jouer de ça."
Je secoue la tête.
"Qu'importe. Je vais entrer, quelque soit la façon. Si je ne fais rien, une personne va peut-être mourir cette nuit. Courage."
Mes résolutions tombent presque à l'eau lorsque je me retrouve au niveau des murs du Collège. Cette partie a été construite de telle sorte que personne ne puisse l'escalader. Les murs sont hauts et peints. Je n'aurai rien à quoi m'accrocher. Je pourrais toujours escalader au niveau du portail, mais ce dernier est surveillé par un gardien. Je pourrais toujours courir pour entrer et semer ce dernier mais, toutes les piscines ici sont fermées à clef. J'aurai besoin du gardien.
— Fait chier.
Je me dirige vers le portail du collège. Je fouille dans ma tête pour chercher une excuse potable mais aucune ampoule ne s'allume. J'en conclue que je suis obligé de dire la vérité.
"Le gardien saura peut-être me comprendre et se montrer sympa. "
J'arrive au niveau du portail et aperçois le gardien, dans sa petite boîte, éclairée par une lampe posée au plafond. J'avale ma salive et me rapproche.
— Euh... Bonsoir Mr.
Pas très commode, il se lève et me regarde irrité.
Sans passer par quatre chemins, je lui explique l'objet de ma venue.
Il fronce les sourcils et me fusille les yeux avec une lampe torche sortie de nul part.
— Dis bien à tes potes que moi, on ne peut pas se payer ma tête. Compris ? Allez. Oust.
— Mais. Mr, quelqu'un est peut...
— Tu as intérêt à rentrer chez toi, mon p'tit gars sinon, crois moi, tu vas passer un sale quart d'heure. me menace t-il.
Il sort et s'avance vers moi et la seule chose que je peux faire est de déguerpir sur mon skate.
C'est un pur échec.
"J'espère seulement que j'ai fait fausse route. "
C'est à ce moment qu'une autre idée me vient. Je n'ai pas pensé à la plage de Fairy qui pourtant est un lieu où l'on peut se baigner. L'inconnu n'a jamais précisé qu'il s'agit d'une piscine. J'ai donc tourné en rond en n'élargissant pas au mieux le périmètre.
Je me rue vers Fairy, priant que ce soit le bon endroit. Arrivé au bord de la plage, je regarde l'heure : dix neuf heures vingt neuf. Rapidement, je pose mon skate et mes chaussures à un endroit sûr avant de m'élancer sur le sable et fouiller les alentours tel un fou. Il ne me reste qu'une minute.
La plage est illuminée et des musiques de fêtes me parviennent. Personne ne fait visiblement attention à moi et cela m'arrange.
Je viens d'écouler la seule minute qui me reste pourtant, je continue, dans le seul espoir de trouver la personne encore vivante. Je cherche encore et encore. Je me dirige vers le coin le plus reculé.
"S'il veut tuer et ce, sans témoin il lui faudra un lieu à part. Comme ça, les secours ne seront pas sur les lieux avant que la personne ne soit dans l'autre monde. Plus, l'on prendra du temps à retrouver la victime, plus il y a de chance de la retrouver morte."
C'est ainsi que je finis par remarqué une forme petite et sombre sur le rivage, au niveau de la plage interdite au public.
"Qu'est-ce ce que c'est ? La victime ?"
Hésitant, je réduis l'écart entre cette chose et moi. Je prends mon téléphone pour en utiliser la lampe torche et remarque un message de la part de Mike.
"Pas le temps."
Je ne l'ouvre pas et allume la lampe. Je distingue petit à petit, un petit corps échoué sur la plage. Il est étalé sur le ventre, le visage enfouie dans le sable. Encore une petite examination et je me rends compte de qui il s'agit. Ce teint bronzé, ces petites couettes, ces petits bras et ces petites jambes ne me sont pas étrangers.
"Non. Pas elle."
Je m'agenouille auprès d'Amalia et la retourne.
"Que fait elle ici toute seule ? A t-elle été enlevée ? Pourquoi l'a t-il choisie, elle particulièrement ?"
Je vérifie si elle respire encore.