La détermination de Gisèle
Après avoir fait partir la missive d’Anisha, Gisèle revint au palais intérieur avec la ferme intention de découvrir la vérité quant à la fausse couche de cette dernière.
Pour y arriver, une seule solution, retourner rapidement au service de cette mégère de Faith et de la laisser lui soutirer quelques informations au sujet de l’état de son amie.
Puis après une seconde de réflexion, elle se rappela cette histoire de robes. Voilà qui constituait une bonne excuse pour parler naturellement d’Anisha à la princesse, sans éveiller la moindre suspicion.
Elle n’attendit pas une minute de plus et alla directement réquisitionner une autre camériste afin qu’elles récupèrent les toilettes en question. Une chance qu’Anisha dormait profondément. Elle n’aurait pas à lui expliquer quoi que ce soit et elle éviterait que son amie en vienne à se poser des questions inutiles.
La situation avait été bien assez pénible pour ne pas remuer le couteau dans la plaie avec ces doutes, peut-être infondés.
Avant de frapper aux appartements de la future reine, la jeune camériste soupira profondément. Elle allait certes à la pêche à la vérité, mais elle ne devait pas laisser son antipathie pour cette femme corrompre sa droiture.
Elle devait rester loyale envers son roi et ses intérêts, et ne pas pousser sa future épouse plus que de raison.
_ Entrer, fit la voix de la camériste en charge de Faith.
_ Bonjour, fit Gisèle les bras chargés des étoffes flamboyantes, nous ramenons les toilettes de madame, conformément à la demande de la princesse d’Albatra.
Intriguée par les voix, Faith arriva dans le boudoir, l’expression indéchiffrable.
Puis sur un ton qui se voulait plutôt amical, elle demanda :
_ Qu’y a-t-il avec ces robes ? Ne sciaient-elles donc pas à ta maîtresse ?
_ Absolument pas, madame. C’est juste que, soucieuse de vous voir vous départir de si belles pièces, la princesse s’est enquis des modalités qui régissent le protocole palatal. Il s’avère que ce dernier ne dit rien quant à la tenue de nos reines. Enfin, rien en dehors de ce que le bon sens préconise.
_ Ces tenues étaient des cadeaux de ma part, continua Faith qui gardait ce semblant de gentillesse. La princesse peut les garder, cela me fera vraiment plaisir.
_ Madame est trop bonne, seulement, elle insiste pour que vous les gardiez puisqu’elles vous ont été offertes par votre père…
La future reine balaya le sujet d’un geste de main.
_ Je n’y tiens pas particulièrement, ramène-les-lui et assure-la de ma profonde amitié. Dis-lui que je serais ravie de lui rendre visite très prochainement…
Gisèle n’attendait qu’une parole pour sauter sur l’occasion de lui faire part de l’état d’Anisha et d’intriguer cette femme.
Après avoir fait mine d’être mal à l’aise, elle baissa la tête et dit :
_ Que madame me pardonne… seulement, la princesse n’est plus autorisée à recevoir… disons qu’elle s’est sentie quelque peu fatiguée et que le médecin lui a préconisé beaucoup de repos…
Gisèle releva la tête juste à cet instant et elle put contempler le changement d’expression de la future reine. Son air faussement doux et son allure satisfaite se muèrent en déconcertation totale.
Elle resta interdite, comme si son cerveau tentait de faire les connexions nécessaires. Qu’elle prenait conscience que si on donnait du repos à Anisha et qu’on ne lui autorisait aucune visite extérieure, il allait sans dire que c’était pour la préserver, ou plutôt pour préserver ce qu’elle portait en son sein.
_ La… princesse est donc souffrante ? balbutia Faith qui cherchait la bonne attitude à afficher.
_ Oui, en effet, lui confirma Gisèle avec de la peine dans la voix. Madame s’est sentie mal l’autre jour dans le jardin, alors qu’elle se promenait… elle a eu beaucoup de chance que sa sœur était avec elle. Elle a pu donner l’alerte et les premiers soins ne se sont pas faits trop attendre.
_ Cela semble sérieux…
_ Grâce au ciel, ce ne fut pas le cas.
_ Je… je sais que je ne suis peut-être pas une parente directe, mais je suis tout de même la future reine, et a ce titre, j'aimerais lui rendre visite et m’enquérir de son état par moi-même.
_ Vous n’avez vraiment pas à vous inquiéter plus que cela, le médecin de la cour s’est montré efficace, et le mal dont souffrait la princesse fut rapidement jugulée. Si sa majesté a insisté pour qu’elle reste dans ses appartements, c’est surtout pour qu’elle se ménage un peu plus.
_ Oui, cela semble sage en effet, mais je demanderai tout de même à aller la voir. Si nous avons été quelque peu rivales au départ, j’ai eu la bonne surprise de voir que cette fille est très digne malgré les rumeurs qui ont circulés à son sujet.
Gisèle avait réussi à semer le doute dans l’esprit de cette femme, mais les siens persistaient tout autant.
Son attitude ne pouvait lui certifier qu’elle avait une main dans ce qui était arrivé, ni même qu’elle était au courant qu’Anisha portait l’enfant du souverain de ce pays.
_ Je m’en retourne auprès de la princesse, pour aujourd’hui, madame, mais dès demain, je reprendrai mon service auprès de vous.
_ Non, ne te donne pas cette peine. J’ai compris que tu étais bien plus attachée à la princesse d’Albatra, même si cela m’a mise en colère dans un premier temps, je dois me faire une raison.
_ Madame…
_ J’insiste, reste auprès de ta maîtresse le temps qu’il le faut, et si j’ai besoin de toi, je te ferais appeler, ne t’inquiète pas.
_ Je vous remercie pour votre compréhension et votre mansuétude. J’aimerais aussi m’excuser pour mon comportement quelque peu exécrable du début, vous aviez raison, ma loyauté envers ma première maîtresse a entravé celle que j’aurai dû vous vouer.
_ Et bien, repartons du bon pied, veux-tu ? fit Faith en lui adressant un sourire aussi bienveillant que faux. Tu es avant tout la camériste en chef dans ce palais et par extension, mon bras droit. À l’avenir, on pourra compter l’une sur l’autre pour faire tourner ces lieux sans encombre…