La réponse d'Olgan Seyid
Anisha fut surprise de voir Gisèle récupérer les robes de Faith sans lui en parler auparavant. En l’entendant entrer dans la salle avec l’autre camériste, elle s’était demandé ce qu’elle cherchait. Au lieu de se relever et de lui poser la question, la jeune femme avait préféré continuer à faire semblant de dormir.
Elle ne se l’expliquait pas, mais elle l’avait trouvé étrange dernièrement, et ses questions sur sa visite à Faith de Saragon, la taraudaient. D’ailleurs, il n’y avait pas qu’elle qui l’avait interrogé à ce propos. Dali semblait aussi y accorder un certain intérêt à leur rencontre.
Mais pourquoi donc ?
La soupçonnaient-elles de lui avoir fait quelque chose ? Si c’était le cas, elles se trompaient. Il était certain qu’elle ne portait pas cette femme dans son cœur, mais elle la voyait mal aller aussi loin pour asseoir sa légitimité.
Et puis, comment elle aurait fait ? Toute la nourriture qu’Anisha avait ingérée, avait été confectionnée sous contrôle strict de la cuisine royale.
_ Madame, fit Lorelie en la rejoignant sur la terrasse ou elle passait le plus clair de son temps, vous avez reçu une lettre de l’ambassadeur de Raman.
Anisha prit le courrier que lui tendait sa camériste et la remercia. Elle attendit un instant que la domestique reparte vaquer à ses occupations pour décacheter le pli.
L’écriture appliquée et élégante disait ceci :
« Votre altesse,
Votre humble serviteur a bien reçu la missive qui me demandait, expressément, de venir chercher sa majesté au palais de Montéry. Sachez majesté que cela aurait été une joie de vous voir à nouveau parmi nous, seulement majesté, il y a eu quelques affaires inquiétantes, qui me font penser que vous serez mieux au palais pour l’instant. J’ai envoyé tout le détail au souverain de ce pays, Helias d'Orburg, et il me rejoint en ce point. Si toutefois son altesse s’impatiente à propos de son départ, je ferais selon sa volonté en dernière instance.
J’ai l’honneur, d’être madame, le très dévoué serviteur de sa majesté et je reste à sa disposition.
S. Olgan »
De quelle affaire inquiétante parlait l’ambassadeur ?
Anisha ne comprenait pas un traître mot du message qu’elle venait de lire. En quoi rester au palais la prémunirait, et surtout, de quoi ?
Puis en relisant à nouveau les quelques lignes, elle se redressa sur son siège. Helias avait, apparemment, plus de détails qu’elle a ce propos. Il serait dont plus à même de la renseigner et de lui expliquer la situation.
_ Lorelie, appela-t-elle en se levant de son siège et en entrant dans la chambre.
_ Madame…
_ Peux-tu envoyer un messager auprès du roi afin qu’il demande une audience, j’aurai besoin de l’entretenir d’un certain sujet.
_ Bien madame, quand voudriez-vous que sa majesté vous reçoive ?
_ Je n’ai pas de moment particulier, mais j’aimerais que ce soit fait dans les plus brefs délais.
_ Très bien, je descends de ce pas aux offices faire mander l’un des valets.
_ Merci Lorelie…
***
Bien que Devan fut prié de rester à l’écart, il ne put s’empêcher d’espionner la conversation qui avait lieu entre son père adoptif et sa mère. Il s’était faufilé jusqu’au salon où ils s’étaient isolés pour discuter à leur aise.
_ Devan m’a parlé de ce groupe d’hommes, ils seraient de mon ethnie et leur allure lui a fait quelque peu peur, c’est pour cela qu’il s’est enfui.
_ Il a très bien fait. Figure-toi que ces fouines cherchaient une femme qui aurait été vendue ou achetée, il y a une quatorzaine d’années de cela… Je n’en suis pas sûr, mais j’ai l’impression que c’est de toi qu’il s’agit ?
Lavina porta ses mains à sa poitrine et baissa les yeux. Elle semblait perdue tout d’un coup. Comme si de vieux souvenirs remontaient soudainement à la surface et l'accaparaient.
_ N’aie pas d’inquiétude à ce propos, tenta de la rassurer le maître qui la voyait s’enfoncer dans le silence. Je me suis occupé de renvoyer ces impertinents, ils ne viendront plus nous ennuyer.
_ J’aimerais vous croire, monsieur… Mais si c’est ce que je pense, je ne suis pas certaine qu’ils laissent tomber aussi vite.
_ Lavina, pourquoi ne me dirais-tu pas ce qu’il en est en réalité ? Pourquoi as-tu cette crainte de tes semblables depuis des années ? Et surtout pourquoi quelqu'un te rechercherait seulement maintenant ?
_ C’est une trop longue histoire… Et je… je refuse d’y mêler qui que ce soit…
A cet instant, Devan voulut intervenir. Il voulait que sa mère s’ouvre à celui qui l’avait adopté, lui son fils, et qui l’avait toujours considéré comme sien. En sachant la vérité, peut-être qu’il pourrait les aider plus efficacement et apaiser définitivement le coeur meurtri de sa pauvre mère.
Alors qu’il hésitait à s’interposer, le maître continua sur un ton humble :
_ Écoute, je sais ce que tu penses de moi et je ne te ferais pas croire que je suis un enfant de chœur, seulement, ton bien-être m’importe énormément. Je ne peux supporter de te voir ainsi… et si je peux t’aider, de quelque façon que ce soit…
_ Vous m’avez déjà beaucoup aidé, monsieur, en ne me revendant pas, et surtout en ne me séparant pas de mon fils. Vous en avez beaucoup fait et je vous en suis reconnaissante…
_ Lavina, soupira l'homme en posant une main sur l’épaule de sa servante, je t’ai déjà parlé des sentiments que j’ai à ton égard, et ton fils est comme le mien, par conséquent, je ne laisserai personne vous approcher. Qu’importe le différent que tu as, et avec qui.
_ Monsieur...
_ Mère, pourquoi ne faites-vous pas confiance à père ? intervint Devan qui en avait assez de la voir tout porter à bras le corps. Pourquoi ne lui dites-vous pas ce qu’il en est vraiment ?
_ Devan ! Je t’avais dit de m’attendre dans la cuisine !
_ Dites-lui mère… dites-lui où je le ferais moi-même.
_ Devan, je comprends ton impatience, mon garçon, mais cette histoire n’appartient ni à toi, ni à moi, le raisonna le maître des lieux en allant à sa rencontre, c’est à elle de décider si elle veut la partager ou non. Alors respectons son choix, veux-tu ?