Jean-Charles

527 Mots
« Hé, Joli », une voix grave, douce comme un slow nocturne, déroba mon attention. « Jean-Charles. » Je courus vers lui et le pris dans mes bras. Le temps se figea. Il était si chaud. Sentait le bois poli. De grosses gouttes émanant de ses pores cheminaient sur ma peau. « Tu m'as manqué. Il fallait s'occuper de mamie, voici pourquoi je n'ai pas pu être la plus tôt. » Mes bras l'enlaçaient fermement. Pourtant, ce n'était pas un adieu. Jean-Charles déposa un b****r humide sur mon Afro. Ses mains s'épinglèrent sur les côtés de ma tête pour me sortir de sa poitrine et une hésitation traversa son visage lorsqu'il sourit. « Je te comprends, ne t'en fais pas. » La mélancolie dans le timbre de sa voix me rappela les raisons de ma venue. En clignant des yeux avec douceur, je jetai mon regard vers le sol. Jean-Charles pencha la tête, les sourcils froncés pour me faire face en vain. Je le fuyais encore plus. Il respira. Trop fort. « Qu'est-ce qui se passe Jolivia ? » Sa voix confuse résonnant comme si elle venait de sortir d'un téléphone au micro abîmé. Je fondis en larmes, avant de m'exprimer avec douleur, l'impression que des écailles envahissaient ma gorge. « Esméralda ! Esméralda ! Esméralda ! C'est tout ce que tu me répétais pendant ces deux dernières années. » À chaque prononciation de ce prénom, une blessure en moi était réouverte. « Stupide ! » Je revis toutes ces fois où elle lui faisait porter son sac, et où ils mentaient aux professeurs pour sécher les cours ensemble. Ces journées où il m'évitait parce que les amis d'Esméralda l'appelaient. « Jean... » Ma voix basse. Froide. Aiguë. Comme tendue sur un fil. « Charles... » Chaque mot était un coup sec, une percussion. J'avais aimé ce jeune homme de toutes mes forces. Lorsque mes promesses envers lui n'étaient pas tenues, je me prosternais en demandant pardon, comme s'il était un dieu. Je me sentais trahis. Mon cœur avait entassé la colère face aux nombreuses erreurs de Jean, sans que je ne lui en fasse jamais le reproche. Esméralda se serait probablement interposée. Il était mieux pour moi de souffrir en silence. Son frère n'était pas non plus au courant de tout ça. Quand il revenait de voyage, nous sourions simplement et faisions comme si de rien était. Ma rage me conduisit à le gifler. Sa tête se figea sur la droite, lorsque des picotements me firent secouer le bras. Ses mains se serrèrent, des veines comme des racines s'alignèrent sur sa gorge, jusqu'à ses oreilles. Il avait pensé bien trop de fois ces derniers temps, je pouvais le voir aux poches sous ses yeux. Le bruit sec d'un banc brisa un instant ma concentration. Tante Marion s'était tournée, ne voulant sûrement pas être témoin de nos querelles. Je serrai la mâchoire de Jean-Charles de mes ongles, pour le ramener à moi et avoir des réponses à mes questions. « Regarde-moi dans les yeux, Jean-Charles ! » Ma voix directe traversa le vent qui fit agiter les branches d'arbres derrière moi. Quelques feuilles vertes tombèrent sur nous.
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