Trahison

644 Words
Je courus vers la chambre, fermai délicatement la porte et m'effondrai sur le sol. C'était un cauchemar, n'est-ce pas ? Comment est-ce que l'obtention d'un examen qui nous avait pourtant fait sourire, nous arrachait tout désormais ? Des vagues de larmes déchirèrent ma joue et s'immisçaient dans ma bouche, se glissant délicatement par mes lèvres sèches. « Qu'est-ce qui se passe ? » Ma voix vibrait faiblement, un écho de la fragilité que papa avait toujours perçue en moi. Ma détresse aussi grande que le mont Fidji, aussi profonde que le cœur d'un océan, prête à être entendu par une âme bienveillante. Mes bras enveloppèrent mes genoux. Avant, j'aurais couru chez une amie pour me plaindre et trouver du réconfort. Crier la peine que les parents ne voulaient pas comprendre, avouer les mots qu'ils ne voulaient pas entendre. Mais je n'avais plus personne dorénavant. J'étais seule face à mon destin tandis qu'Aminata allait être jeté dans le sien. Je ne pouvais pas me présenter à elle, portant ce fardeau sur le dos pendant que sa famille s'apprêtait à célébrer un heureux événement. Des émotions s'entassèrent en forme de boule qui venaient de frapper ma poitrine, me faisant lever les sourcils. « Ami... » Un faible son s'échappait. Il était évident que je me parlais à moi-même. « Je suis désolée. » Des souvenirs de son dernier sourire crispé me giflèrent en pleine face. Elle portait des vêtements de couleurs noires à toutes les épreuves du bac, ressemblant presque à une veuve. Le jour de l'annonce des résultats, son visage était sombre, bien que nous avions toutes réussies avec mention très bien. « Qu'essayais-tu de me dire ? » J'avais envie de disparaître. Mes traits se figèrent dans le vide de la pièce quand mes souvenirs passaient enfin le visage d'Esméralda. Elle s'en était allée sans même me visiter. Je n'avais plus d'amies. Elle et moi avions pendant des années dansé sous la pluie, jusqu'à en devenir malade. Je me souvins que cela énervait toujours les parents. Ils n'avaient pas de quoi acheter des médicaments et c'est grand-mère qui finissait par me préparer des tisanes au feu de bois lorsque Aminata m'emmenait une bouillie chaude à l'école. Papa, après guérison, me répétait toujours de ne plus m'approcher d'Esméralda. Mais elle était comme une sucrerie. Elle adoucissait mon quotidien même si trop d'elle pouvait me rendre nauséeuse. Autour de moi, les murs colorés par mes dessins de petites filles me fondirent le cœur. Jamais nous n'avions eu assez d'argent pour faire la peinture de cette maison. Pourtant, je me disais que ce n'était pas un frein au bonheur d'un homme. Chaque fois que j'en avais l'occasion, petite, je faisais un dessin pour couvrir complètement les quatre murs. Mais je n'avais jamais fini. L'adolescence m'avait arraché mon intérêt. Maintenant, la maturité me montrait que le monde était effroyable. Que les hommes n'avaient pas de choix. C'est donc de ça dont voulait me parler Esméralda ? Je me demandais. Elle qui était partie de l'autre côté de l'océan sans même me dire au revoir. Mais, a-t-elle vu Jean-Charles ? Je me ressaisis. Il faut que j'aille le voir. J'essuyai mes larmes. Il était hors de question que je le perde aussi à cause de mon égoïsme. De plus, j'avais fait la promesse des années plus tôt à son ainé de prendre soin de lui. Je devais être forte pour cet être fragile et pleins de rêve. Il fallait que je sache ce qu'il pensait de tout cela. Il fallait que je voie s'il avait tourné la page et était déjà dans les bras d'une autre jeune femme comme les autres garçons de son âge, passant d'un amour à l'autre avec rapidité. Je devais me rassurer qu'il aille bien. Je pris rapidement un billet de 2,000 francs dans mon coffre et sortis à toute vitesse de la maison.
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