Mentir Pour Survivre

890 Words
À peine avais-je traversé la porte, que le soleil frappa sur ma face. Mes mains comme un chapeau se posèrent donc au-dessus de mes yeux. J'entendis, « Bonjour, Joli. » Sur ma droite, mais je fonçais face à moi pour sortir de la cour commune. C'était sûrement tantine Coco, la copine de maman qui vivait à côté. Sa voix pétillante ne manquait pas de se faire reconnaître. Cette femme était toujours en joie, sa table ne manquant jamais de nourriture et son mari à elle semblait réellement l'aimer. Après quelques pas, je lançai un regard derrière moi, pour me rassurer que les parents ne me voyaient plus. Mes pieds prirent le chemin sur la gauche, contraire à celui du marché où je devais me rendre. Les cabanes défilaient autour de moi. Le gravier que le gouvernement avait tenté de mettre sur la route pour stopper les inondations étaient mal faits, recouvert même de plusieurs creux. Mon pied rentrait dans des flaques d'eau, tachait mon pagne, des sensations gluantes serpentant ma jambe. Mais je n'en avais que faire. Je répétais sans cesse, « il faut que je voie Jean-Charles. » Comme si ma vie dépendait de cette conversation. Subitement, une voix rock me fit trembler. « Arrête-toi ! » Transperçant l'atmosphère et me ramenant à la réalité. « Je la connais cette voix. Que vais-je faire ? » Je restai figée sur le vide, apeurée de croiser les regards des passants qui se multipliaient sur ce passage. Une ombre qui couvrit l'ardeur du soleil se prolongeait derrière moi. Je fermai les yeux, soufflai grossièrement avant de me retourner. « Tonton Cliff ?! » Un rire nerveux me prit, un faux air surpris emprisonna les traits de ma face. Ses yeux étaient si larges que l'on avait l'impression qu'ils étaient vides et blancs. Sa silhouette de pygmées, soutenu par un chapeau de paille, démontrait ses bases ethniques et son ancienneté. « Tu vas où comme ça ? Regarde-toi. » Il mouvementait sa tête, ses traits déformés par le dégoût. « Les gens sont en train de murmurer autour. Tu veux humilier mon ami ou quoi ? » Son dos courbé par l'age, essayait de se redresser après chaque mot. Un froid meurtrier s'infiltra en moi, au point où je le sentis suivre le chemin de mes veines et me glacer le sang. C'est ça ! Toute notre vie ne se résumait qu'à cela : faire attention à la réputation de papa, s'assurer de maintenir sa joie. « Non... pas du tout. » Ma voix était un écho lointain. Aigrement, il demanda : « où vas-tu ? », gelant ma faculté à réfléchir. Des idées tournaient dans ma tête par milliers comme une armée d'oiseaux affolés, enfermée dans une cage sans ouverture. Aucune n'arrivait à se poser sur mes lèvres entre ouvertes. Tout était confus, flou. Je cherchais quelque chose, mais rien. Face à mon silence, il me proposa : « allons à la maison. Tu ne peux pas traîner dans le village comme si tu étais folle alors que tes parents sont encore en vie. » Un frisson léger consuma mon être. Un oiseau se posa enfin. Presque déplumé et petit, semblant même être fragile, mais restait une révélation. Il s'envola au travers de mes lèvres. « Tonton Cliff, j'ai promis à papa que j'allais préparer quelque chose de spécial pour lui aujourd'hui. Je vais au marché. » Il fit un pas en arrière. Me regarda de haut en bas avant de reprendre. « Le marché est de l'autre côté. » Ses yeux plissés, son air suspicieux. Je mouvementais la tête. « Je sais. Je sais. » « Où vas-tu alors ? » Il insistait. J'attrapai mon vêtement, la main tremblante, consciente que la découverte de mes réelles intentions, allait me causer d'être blâmée. « Voir une amie pour qu'elle m'accompagne. » Je me grattai la gorge pour clarifier ma voix. « Tu sais que le marché est devenu dangereux. » Il croisa les bras. « Ah, d'accord. C'est quoi le nom de ta copine. » « Nina. Elle apprend dans notre lycée. L'année passée, elle était en seconde. » « Tu trainais avec des filles de secondes ? Décidément... » Il me toisa puis reprit. « Je pars. Marches calmement et quand tu arrives chez ta copine, nettoie-moi ces pieds sales. Il ne faudrait pas qu'à cause de toi les gens se moquent de Cyril. » « D'accord, tonton. » Je me baissai en signe de respect, tournai le dos, marchant calmement, les oreilles tendues pour écouter ses pas s'éloigner. Aussitôt qu'il n'était plus audible, je me mis à courir de nouveau. J'avais déjà perdu assez de temps et le temps n'allait sûrement pas revenir en arrière pour me laisser le choix d'éviter ce chemin ou ce vieil homme. Je devais courir. Rattraper les minutes perdues et si j'en avais la possibilité, je me serais même envolé. Mon Jean-Charles, le pauvre. Il devait être en train de s'en vouloir d'être tombé amoureux, comme Esméralda l'avait fait auprès de moi ! Chaque seconde qui passait me rappelait sa trahison. Pourquoi ne m'avait-elle rien dit ? Avait-elle fait semblant de me considérer pendant toutes ses années ? Ah Esméralda, mon cœur se poignardait à chaque fois que mon âme repensait à toi. Tant, il préférait s'ôter la vie que d'imaginer une sans amitié.
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