Chapitre 7: Le premier vœu

4283 Words
Raphaël a quitté Cotonou pour s'installer dans une maison loin de cette ville. Lorsque le jeune homme est parti de sa cité, il a eut l'impression d'abandonner à nouveau son foyer. Cependant, contrairement à la première fois, la douleur n'a pas été vive. Il n'a eu de regrets que durant deux heures avant de se concentrer sur son nouvel objectif qui était de se trouver un nouveau logis et ne pas se faire repérer par son ancien patron. Ce dernier est sur ses traces, il en est certain car, non seulement Raphaël a quitté la b***e sans la permission de Madara mais aussi, n'a-t-il pas rendu l'argent gagné lors de sa dernière livraison. Il se fait donc très discret. La propriété dans laquelle Raphaël vit à présent est tout ce qu'il aurait pu souhaiter comme cachette. Quand il est arrivé à Abomey-Calavi, la première chose qu'il a faite a été de rechercher un endroit comportant une zone bien boisée et à l’écart des grandes agglomérations. Entre temps, il a changé son apparence, en passant des cheveux afro aux cheveux taillés à ras la tête et ne porte que des t-shirts et des jeans qui ne possèdent pas trous aux genoux. Par chance, il a pu trouvé un propriétaire de terrain voulant d'une personne pouvant habiter le domaine et en prendre soin pour lui, le temps qu'il revienne d'un long voyage. Le domaine en question est totalement clôturé et de l’extérieur, l'on ne peut en voir que les grands arbres qui dominent plus de la moitié du terrain. De plus, il n’existe aux alentours que quelques maisons en terre habitées par de vielles personnes. « L’endroit parfait. » a pensé Raphaël avant de s’accorder avec le propriétaire. Ensuite, il a construit une vieille masure pour la nymphe et lui au milieu des arbres. Pour l'eau, il ont un puit à l'eau disposition et des provisions ont été faites . Cela fait donc une semaine que les deux vivent dans cette maison. Tout s'est toujours bien passé, au grand bonheur du jeune homme. Raphaël, assis sur sa natte au dehors, observe le ciel étoilé, l'enfant dans ses bras. Cette dernière dort comme à son habitude. Après plusieurs heures de contemplation, ses yeux se posent sur Doguecimi. Contrairement à ce qu’il avait pensé au début, la petite n'a jamais eu besoin que l’on change sa couche. Elle ne boit que de l'eau et mange des feuilles à l'aide de ses gencives. Ce fait a étonné Raphaël au tout début puis, il s'est fait une raison, se rappelant que l’enfant est une nymphe des forêts. « Dois-je le faire aujourd’hui ? Qu’est-ce que je dois demander ? » se demande t-il en scrutant la bougie dans sa main. Des bougies blanches, il en a acheté quatre, une pour chaque vœux. A présent, il doute du moment choisi pour son premier vœu et se demande lequel il doit faire en premier. Les souhaits qui trottent dans sa tête surpassent largement les quatre qui ont été accordés. Il est confus concernant lequel faire réaliser en premier. D'abord, il pense que se venger de Mr Thomas en le faisant mourir dans d'atroces souffrances serait une bonne idée. « Mais non. Il va mourir mais moi, je n'aurai pas ce que je veux vraiment. Je ne dois pas gaspiller les vœux pour cet homme. » pense t-il. Une idée lui vient tout à coup en tête. — C'est juste pour tenter le coup, dit il. Il se lève, l'enfant dans ses bras et se dirige vers une zone du domaine éloignée de la maison. Après avoir jugé l’endroit sûr, il dépose le bébé en le couchant par terre. Il allume ensuite la bougie près d'elle. —Je veux que Bella soit toute à moi, qu'elle ne veuille que moi, souhaite t-il en langue fon. Après quoi, il s’éloigne pour rejoindre son logis. Raphaël consulte l'heure à son nouveau téléphone. —Vingt et une heure quatre. Ne sachant pas combien d'heures il doit attendre, il décide de retourner voir l'enfant le lendemain à cinq heures du matin. Le réveil matin est donc réglé sur cette heure et le jeune homme part se coucher avec l'espoir de voir son souhait se réaliser. Les heures passent mais le sommeil ne lui vient pas. Raphaël passe donc toute la nuit à se rouler sur sa natte. L'impatience lui ronge les veines. Une seule et même question s'impose à son esprit. « Est-ce que ça va marcher ? » Puis, il se met à imaginer tout ce qu'il ferait si son premier souhait se voit exaucé. Sous ses yeux, des images de lui, bien habillé, riche et conduisant une belle Lexus défilent sous ses yeux. Il voit Bella près de lui, le câlinant mais aussi sa famille et son village fiers de ce fils qui a quitté la campagne avec comme fortune que ses rêves et qui revient avec le succès, la richesse et le pouvoir. « Je vais leur construire une villa. » se promet il, rêveur. Lorsque l'alarme du réveil matin retentit, il est surpris de n'avoir pas dormi de toute la nuit. Après s’être levé, la première chose qu'il fait est d'aller vérifier si la bougie a été totalement consommée et si l'enfant a grandi. L'aube n'ayant pas encore pointé le bout de son nez, l'obscurité domine encore l'espace. Il prend donc une lampe torche pour éclairer son chemin. Quand Raphaël arrive à l’endroit où il a laissé le bébé la veille, il allume la lampe de sa torche et constate que la bougie s'est totalement consumée. Cependant, l’enfant a disparu. L'angoisse lui noue aussitôt la gorge. « Où est-ce qu'elle est ? » se demande t-il. —Doguecimi, où es tu ? appelle t-il. —Je suis ici, répond une voix d'enfant qu'il reconnait immédiatement. Doguecimi apparaît de derrière un arbre. Elle a grandi et a la même taille que lors de leur première rencontre et est habillée d'une robe blanche. Ses pieds eux, demeurent nus. L'enfant s’avance timidement et vient à sa hauteur. —Ton vœu à été exaucé, l'informe t-elle en langue fon. Doguecimi le fixe toujours tout en fuyant de temps à autre son regard. Elle ne sait pourquoi mais, ce jeune homme l’intimide. Serait-ce à cause du fait qu'elle est sous cette forme d'enfant ? Il lui est difficile de répondre à cette question. Raphaël froncé les sourcils. Toujours dans le doute, le jeune homme lui pose la question : —Comment est-ce que je peux savoir si cela est vrai ? demande t-il dans la même langue. —Tu n'auras qu’à sortir et tu verras. Mon rôle est de réaliser tes souhaits. Honte à moi si je ne respecte pas la parole. —D’accord. Les deux restent au milieu des arbres dans le silence. Raphaël observe cette fillette devant lui qui lui apparaît comme un être timide. —Allez, viens, finit il par dire, un sourire de contentement aux lèvres. Timidement, Doguecimi vient à sa hauteur. Il la prend dans ses bras et tous les deux rejoignent leur logis. —Tu veux quelque chose à manger ? Elle secoue la tête en signe de refus. —D’accord. Il est huit heures quand Raphaël décide de sortir afin de vérifier si son souhait a été réalisé ou non. Il ignore comment se dérouleront les choses mais, veut tenter le coup. —Peut-être que je vais la rencontrer dans la rue, se dit il. —Attends, l'interpelle soudain Doguecimi alors qu'il est sur le point de rejoindre le portail. —Oui ? La fillette semble gênée. Sa tête est baissée et ses fixent le sol. —Parles, je suis pressé. Le jeune homme a hâte de revoir la femme qui hante ses nuits et cette enfant ne fait que le retarder. —Tu…, commence t-elle gênée. Tu pense vraiment que c'est le meilleur choix à faire ? Tu sais ? Seul un souhait qui en vaut la peine duré longtemps. Doguecimi sait qui est cette Bella ; elle l'a vu durant la réalisation du vœu de Raphaël. Elle a alors senti que cette femme ne convient pas au jeune homme et aurait aimé qu'il s'en éloigne. Il est indéniable pour elle que ce souhait réalité ne durera pas longtemps car, utiliser la magie pour obtenir une femme n'est en aucun cas un acte qui permettait à un homme d'avancer et de réussir, surtout que l'objet de la convoitise est une femme qui n’apprécie que le matériel et le désir de la chaire. —Pardon ? Avoir la femme de ma vie est un souhait qui en vaut la peine. Si c'est tout ce que tu as à me dire, la discussion est terminée. A plus tard. Exaspéré, le jeune homme se précipite vers la sortie pour rejoindre celle qu'il veut retrouver. Il n'a pas fait dix mètres que son regard croise la généreuse silhouette de Bella. Son cœur loupe un battement. Il croit défaillir tant ses jambes sont devenues flageolantes. —Ça a marché, souffle t-il tout bas. Quand Bella le remarque, il voit un sourire étirer ses lèvres. Elle s'est ensuite se précipitée vers lui. Les deux se prennent dans les bras. Raphaël failli chanceler. La jeune femme colle ensuite ses lèvres pulpeuses aux siennes. Au beau milieu de la rue, les deux s'embrassent passionnément. Essoufflés, ils se séparent sans pour autant détacher leurs regards l'un de l'autre. —Mon chéri, je t'ai cherché partout, dit Bella. Elle le couvrit de baisers. La jeune femme n'aurait jamais pensée s’être autant attaché à ce garçon. Elle s’était réveillée un matin et lui manquait énormément, à tel point qu'elle en a perdu le sommeil. Exubérante est la joie qui submerge le cœur du jeune homme. La présence de cette femme lui parait être un rêve, ou plutôt un miracle. —Tu me cherchais ? Vraiment ? demande t-il, peu convaincu. Ses mains se baladent sur le visage de Bella pour se rassurer qu'elle ne soit pas une illusion. —Oui. Qu’est-ce que tu crois ? Je n'ai pas arrêté de penser à toi. Si tu savais. Je ne peux pas vivre sans toi. —Moi aussi, je ne peux pas vivre sans toi. Ils s'embrassent encore. Puis, Raphaël décide de l’emmener à la maison. Il se dit que Doguecimi étant invisible aux yeux des autres, elle ne dérangerait pas. —Allons chez moi, dit il. —D’accord. Sa main posée sur la taille de sa dulcinée qui marche à ses côtés, Raphaël se dirige vers le domaine sur lequel il doit veiller. Cependant, il a à peine fait dix pas qu'une affreuse évidence frappe son esprit. « Je vis dans une cabane. Bella n'est pas le genre de fille à vouloir entrer dans ce genre d'endroit. Elle a besoin d'un palais. Je ne peux pas lui monter mon taudis. Non. » pense t-il. Il s’arrête alors puis se tourne vers la prostituée. —Tu sais quoi ? Il vaut mieux que tu reviennes plus tard. Pour l'instant, il ne vaut mieux pas qu'on nous voit ensemble. Tu comprends ? —Mais moi, je veux rester avec toi, se plain l'autre avec une moue boudeuse. —Je sais mais, Madara pourrait te suivre et me coincer. —Ah, celui-là. Ne m’en parle pas. Quand je lui ai dit que ne voulais plus de lui, il m'a menacée. Mais, je n'ai pas peur de lui. —Tu as quitté Madara ? demande t-il interloqué. —Oui. Lui et tous les autres clients. Je veux être à toi, rien qu’à toi. Elle enroule ses bras autour de son cou. Bella est heureuse de revoir cet homme qui l'avait faite monter au ciel. A présent, elle ne veut que lui, peu importe si elle doit abandonner son travail qui l'aidait à subvenir à ses besoins. —Je suis trop content, s’écrit il en la soulevant. Tu es à moi, rien qu’à moi. Mais, maintenant, tu dois t'en aller sinon, ça va mal se passer pour nous. —D’accord, souffle t-elle. Mais, je le fais pour toi parce que je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose. Ils échangent un dernier b****r avant de se séparer. —A plus, je t’appelle, lance Raphaël après avoir claqué le postérieur de la jeune femme. Ensuite, il la suit du regard jusqu’à ce qu'elle ne soit plus dans son champ de vision. Puis, il rentre chez lui. Un côté, il est plein de regrets et déçu parce qu'il aurait aimé passer du bon temps avec Bella. Néanmoins, une partie de lui est heureuse et satisfaite d'avoir constaté que son souhait a été exaucé et que la magicienne ne s'est pas jouée de lui. Après avoir franchi le grand portail, le jeune homme part directement se coucher sur sa natte, un sourire niais sur les lèvres. —Tu penses vraiment qu'elle en vaut la peine ? demande tout à coup Doguecimi de sa douce et petite voix. Cette Bella ne lui inspire pas confiance. Ce choix de Raphaël l’inquiète énormément ; elle a peur que cette femme lui fasse du mal. Pour elle, il mérite mieux que ça. Raphaël se lève en sursaut, l'air furieux. Il ne comprend pas pourquoi cette enfant se mêle de sa vie et lui pose des questions alors que son seul rôle est de réaliser ses souhaits. « Ce n'est pas grave. Quand je vais finir mes vœux, elle ne me dérangera plus. » pense t-il. De ce fait il n'offre qu'une seule réponse à la nymphe. —De quoi je me mêle ? Après quoi, il ferme les yeux, ignorant la fillette qui paraît inquiète. Il l'entend soupirer puis aller plus loin. — Je ne comprends pas pourquoi elle doit se mêler de ma vie, celle là, marmonne t-il. Bref, il me reste encore trois vœux à faire. Et je sais ce que je vais demander après. Il se lève soudain et fouille son sac à dos. A l'intérieur, il pioche une seconde bougie ainsi qu'une boîte d'allumettes. Il sort ensuite pour rejoindre la partie arborée de la propriété. —Doguecimi, appelle t-il avec impatiente. Il lui tarde de devenir riche afin de pouvoir vivre en roi avec sa dulcinée. L'enfant apparaît, des feuilles à la main. —Qu’est-ce que tu fais ? —Je mange. —Laisse ta nourriture et vient réaliser mon souhait. La petite arbore un air triste, laisse tomber sa nourriture et vient se placer devant lui. Doguecimi aurait aimé qu'il la traite différemment ; tel une paie par exemple. Le fait qu'il ne l’a voit que comme un objet la rend triste. Pourtant, elle continue de croire qu'au fond de lui, Raphaël est une bonne personne, gentille et plein d'empathie car, son âme est toujours pure. —Je veux devenir riche alors, ne me fais pas attendre, dit l'autre, impatient. Aussitôt, il allume la bougie et la place près d'elle avant de s'en aller sans se retourner. Intérieurement, Raphaël jubile de joie en imaginant déjà un sac rempli de billets de banque comme dans les films qu'il avait regardé à la télé quand il était enfant. L’horloge sur son téléphone portable marque treize heures moins le quart. —A dix neuf heures pétante, je vais retourner là-bas, se dit-il avant d'aller faire une bonne sieste. Bercé par l’idée de devenir milliardaire, Raphaël s’assoupit dans un sommeil paisible. Et, dans ses songes, des liasses de billets pleuvent sur lui en source intarissable. Un sourire se dessine carrément sur ses lèvres pendant qu'il rêve. Doguecimi quand à elle, regarde la bougie allumée avec appréhension. Tout ce que cherche Raphaël, c'est de se faire de l’argent facile mais, cela ne le conduirait qu’à sa perte et elle ne veut pas qu'il se détruise juste pour des billets. Alors, elle se met à prier pour que ce vœu ne se réalise jamais. Selon la nymphe, il y a une autre façon pour le jeune homme de devenir riche et garder cette richesse. Quand l'ancien dealer se réveille, il n'est que quinze heures. Pour s’occuper, il joue à des jeux sur son téléphone, puise ensuite l'eau qui doit lui servir à se doucher et à faire la cuisine. Il ballait aussi les alentours de sa cabane et en profite pour cuisiner. Sept heures du soir sonne au plus grand bonheur de Raphaël. Tout content, il se dirige vers l’endroit où était Doguecimi avant son départ. Lorsqu'il arrive sur les lieux, ses yeux s'ouvrent en grand sous la stupéfaction. Non seulement la bougie qu'il avait allumé ne s’est pas consumée mais aussi, Doguecimi ne se trouve plus dans les parages. Une sourde colère l’envahit aussitôt. « Comment ? » —Doguecimi ? rugit il. La fillette ne répond pas. Il réitère son appelle et cette fois ci, l'enfant vient à lui. Cependant, elle resta à bonne distance de lui comme effrayée. —Qu’est-ce qu’il s'est passé ? demande t-il furieux. —C’est…c'est le vent. Il l'a éteinte. répondit elle en langue fon. —Tu te fous de moi ? crie t-il. Dis plutôt que c'est toi qui l'a éteinte, oui ? —Non. Ce n'est pas moi. se défend t-elle. —hoǔè, vihénin !(toi, l'enfant là) Énervé, Raphaël retourne chez lui pour se procurer une autre bougie. —C’est avec moi qu'elle veut s'amuser ? Elle n'a que cinq ans et elle croit pouvoir me dominer. La nymphe le suit du regard, interdite et apeurée. Ce garçon devient v*****t et elle prie pour ne pas qu'il ne s'en prenne à elle alors que l'extinction de la flemme n'a pas été son œuvre mais celle du vent. Raphaël revient avec la bougie. Ses yeux envoient des éclaires. —Je vais rallumer cette bougie et gare à toi si jamais elle s’éteint, menace t-il. Je veux devenir riche. Réalise mon souhait un point c'est tout. —Encore une fois, ce n'est pas moi qui ai éteint ta bougie. —Peu m'importe. —Tu voudrais que je t'offre un sac rempli de billets. Sa phrase sonne comme une affirmation et non une simple question. —Oui, répond t-il. L'attitude de cet homme a eut le dont de l’attriste. Toutefois, la fillette se permet de lui donner des conseils, ayant espoir que le sage en lui puisse comprendre ses propos. —Le vouloir brûle et le pouvoir détruit, commence Doguecimi. Pourquoi forcément vouloir ceci et cela alors que l'on a l'amour, l’amitié et le bonheur ? Vous voulez devenir riche pour une femme mais elle, le mérite t-elle ? Rappelles toi que seul un vœu qui en vaut la peine durera et une femme qui n'est avec toi que lorsque que tes poches son pleines ne durera pas à tes côtés. Que diras tu à tes parents lorsqu'ils te questionneront sur l'origine de tout cet argent ? Cependant, il s'agit de ta décision. Je ne vais pas m'y opposer. Ce discours a agacé Raphaël, néanmoins, il a suffi pour à semer le trouble en lui. Une part de lui se met à douter de sa décision. Finalement, il laisse tomber l’allumage de la bougie et repart dans sa cabane. La fillette le suit du regard, avec la certitude de l'avoir mené sur le bon chemin et qu'il saura y rester. Allongé sur sa natte, il se met à remettre en question ses prérogatives. Dans sa tête passent en boucle sa vie, de Abomey à Cotonou. Il se rappelle alors de ce qui l'avait motivé à quitter son village. —Je ne voulais pas devenir riche, se dit il. Tout ce que je voulais, c’était de réussir ma vie pour que mes parents soient fiers de moi. Doguecimi a raison. Qu’est-ce que j'allais dire à mes parents s'il me questionnaient sur l'origine de ma richesse ? Mon père le saurait si je lui ment. Ils vont se mettre à douter de moi et à penser que tout comme monsieur Thomas, j'ai sacrifié des êtres humains pour avoir de l’argent. Je ne serais plus leur fierté mais une honte pour eux. Et ça, je ne le veux pas. Un sourire étirer ses lèvres. Son esprit s’éclaircit et son visage s'illumine. Il avait oublié son objectif premier et vient à présent de découvrir quel souhait il doit réellement faire. Alors, il se lève avec aplomb et retourne voir la fillette. A ce moment là, il crépuscule déroule déjà son tapis orangé dans le ciel. Quand il appelle Doguecimi, c'est avec douceur cette fois-ci. L’enfant réapparaît. Raphaël s'approche d'elle, la bougie en main. Puis, il s'agenouille afin d'être à sa hauteur. —Pardon d'avoir haussé le ton et de t'avoir mal parlé. Je veux te remercier de m'avoir permis de trouver le meilleur souhait. Quand la bougie sera consumée, je vais me mettre à travailler. Quand il sera exaucé, je t'offrirai un cadeau. D'accord ? Après tout, Doguecimi signifie “ élève moi” alors il faudrait que je te mette sur un piédestal ou un trône. L'enfant hoche timidement la tête. —Le meilleur cadeau que tu puisses m'offrir est de rester sur le droit chemin et de demeurer une bonne personne, répond t-elle avec sincérité. —Je t'en fais la promesse. Raphaël se rend alors compte que cette enfant, n'est pas là pour lui mettre les bâtons dans les roues mais plutôt pour le guider. Il est d'ailleurs rassuré qu'elle ne se contente pas d’obéir en le laissant sombrer dans l'ignorance. Il se rappelle alors des paroles de son père qui lui avait dit un jour qu’un ami n’est pas celui qui le supporte et le suit aveuglément quoi qu'il fasse mais plutôt la personne qui lui fait réaliser ses erreurs. Le jeune homme réalise que cette nymphe peut être considérée comme son amie. Il allume la bougie près de Doguecimi puis fait son vœu. —Je souhaite réussir dans tout ce que j'entreprends de bien. Comme le dit mon père, le travail libère et on est fier que lorsqu'on travaille à la sueur de son front. Après quoi, il retourne à sa masure pour se faire un dîner. « Dès demain, je vais me mettre à cultiver. » se dit-il. Le sourire réapparaît alors sur les lèvres de la nymphe alors que ses yeux suivent du regard Raphaël. Enfin, il a fait le bon choix et elle voit déjà un bel avenir se dresser devant lui. Elle se promet alors de l'accompagner dans chacun de ses pas. Après s’être repu, Raphaël reste un instant au seuil de sa porte, faisant ainsi dos à la forêt derrière sa maison. Ensuite, il retourne se coucher sauf que, au lieu de dormir, il établit un plan d’entrepreneuriat. Il fait le calcul de la somme qui lui reste et la somme nécessaire pour démarrer avec un champ de maïs ou de manioc. Le domaine étant assez vaste, y faire de l'agriculture et de l’élevage ne lui serait pas un problème. Son cœur est à présent léger car, non seulement il est certain d'avoir fait le bon choix, mais aussi, pourra t-il dire à son père la tête haute : « Je suis devenu riche en suivant tes conseils. J'ai travaillé à la sueur de mon front. » Au autre idée lui vient en tête alors qu'il faisait des projets d’avenir. « Pourquoi ne pas finir mes études et avoir un diplôme d'université comme le voulait ma mère ? » Sur cette pensée, il s'endort paisiblement. Le lendemain, lorsqu'il part vérifier l’état de la bougie, celle-ci s'est entièrement consumée et Doguecimi a grandi de cinq années. A présent, elle a dix ans. Raphaël remarque la beauté de cette enfant et l'attribut à sa nature de nymphe. —Merci, lui dit, reconnaissant. —Ce n'est rien. —Tu sais ? J’ai décidé de cultiver la terre. J'ai passé beaucoup de temps dans les champs avec mon père pour savoir comment m'en construire un. Raphaël se met alors à partager son projet avec la fillette. Il donne les détails de son entreprise. L’excitation a pris le dessus sur lui et, le jeune n'avait jamais pensé que ce projet lui procurerait autant de joie. Aussitôt dit, aussitôt fait. Sous l'insistance de la nymphe, celle-ci l'accompagne dans un marché où il achète des grains de maïs, du haricots, du manioc et du gingembre. Après avoir demandé la permission du propriétaire– qui, curieusement lui a offert les outils champêtres nécessaires–, il se met à la tâche. Doguecimi, heureuse de son travail, s'est proposée de l'aider mais, il refuse catégoriquement, se rappelant des paroles de Dansi. —Tu es trop jeune pour travailler dans un champ. En plus, Dansi a dit que tu ne devais pas travailler. Tu peux toujours surveiller les grains pour moi et me les donner quand j'en aurai besoin. a-t-il répondu. La petite ne semblait pas adhérer à cette idée, néanmoins, elle lui obéit sans rechigner. Elle aurait voulu l'aider malgré les restrictions qui lui ont été imposées mais a préféré abdiquer car, ne pas respecter les règles établies signifie disparaître à jamais de la vie de cet homme et cela, elle ne l'accepte pas. Raphaël met tout son cœur à l'ouvrage, jour après jour. Les mâtinés, il surveille les cultures et discute de temps à autre avec la nymphe. L’après midi, il le consacre à Bella. Les deux ne se voient la plupart du temps que dans de petites auberges qu'il la capacité de payer. Cette relation, Raphaël a toujours remarqué que la nymphe ne le voyait pas d'un bon œil. Cependant, aveuglé et existé par les feux de l'amour qui lui brûlent les veines, le jeune homme préfère toujours ignorer l'opinion de l’enfant. Le soir, observe le ciel étoilé, parfois en compagnie de Doguecimi. Cette dernière ne mange déjà plus de feuilles mais ne se contente tout de même que de fruits.  
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