—D’accord. J’accepte. a répondu Raphaël avec détermination
—En es tu sûr ?
—Oui.
—En es tu sûr ? répète Dansi pour voir si le jeune homme est réellement sûr de sa décision.
—Oui.
—Vraiment sûr ?
—Oui.
—Bon. Je t'ai demandé par trois fois si c'est ce que tu souhaites et tu ne t'es pas ravisé.
Dansi se lève et lui tend l'enfant. Il la prend délicatement comme si cet être représente son coffre-fort gorgé de billets.
—Maintenant, écoute moi bien, jeune homme. Tu n'auras que quatre vœux à faire. Il est donc primordial que tu choisisse tes souhaits avec le plus grand soin.
—Seulement quatre ?
Dansi hausse un sourcil. Ce garçon pense que les vœux doivent être limités, tout comme n’importe quel jeune insouciant et avide de richesse.
—Oui, répond elle avec lassitude. Tu n'en auras que quatre et, crois moi, c'est largement suffisant. A chaque fois que tu feras un vœux, Doguecimi grandira de cinq ans. Et lorsque tous tes souhaits seront exaucés, son corps mourra et elle reviendra à nous.
Raphaël fixe l'enfant qui dort, se demandant si toute cette histoire est réelle ou non.
—Tu dois comprendre que cette enfant ne peut rester dans un endroit dépourvu d'arbres car, comme tu peux le constater, elle t'a ramenée dans cette forêt.
—Ça veut dire que je dois aller vivre dans l'une de ces maisons en plein milieu d'une forêt.
—Tu peux vivre dans la demeure qui te convient mais, assure toi juste que Doguecimi puisse être près de toi et entourée de verdure. Elle sera invisible aux yeux des autres les pas aux tiens. Il ne faudra jamais la faire travailler. Ses mains doivent rester aussi douces que de la soie sinon, elle disparaîtra à jamais.
—D’accord.
—Pour les vœux, il te faudra lui offrir une bougie blanche à chaque fois que tu voudras en faire un. Quand la bougie sera allumée, ce ne sera que lorsqu'elle se sera entièrement consumée que ton souhait se réalisera. Comprends aussi ceci, seul un souhait qui en vaut la peine durera pour toujours.
Dansi repart dans l'autre pièce puis en revient, un petit poignard à la main. Le cœur de Raphaël rate un battement quand il aperçoit l'objet.
—Tends l'index de ta main gauche, ordonne la magicienne.
Raphaël n'a d’autre choix qu’obéir puisqu'il a déjà accepté le pacte. A l'aide du couteau, Dansi lui fait une entaille au doigt puis à l’index gauche du bébé. Ensuite, elle associe les deux doigts.
—Voilà. Le pacte est définitivement conclu. Lève toi.
Il se lève. Malgré le fait qu'elle n’apprécie pas vraiment ce garçon, Dansi pense qu'il serait bien de lui donner un dernier conseil.
—Cette fois-ci, ce ne sont pas des recommandations mais un conseil que je voudrais te donner, Finagnon. Les deux causes de la mort sont le vouloir et le pouvoir. Le vouloir brûle et le pouvoir détruit. Mais, sache que le savoir lui, fait vivre en laissant l’esprit un état de calme permanent. Sache donc fait faire les bons choix.
—Merci dame Dansi mais, je ne compte pas souhaiter de devenir maître du monde ou l'homme le plus puissant du pays.
—C’est ce qu'ils disent tous au début. Vas y maintenant. Ne et retourne pas. Rentre en paix et n'oublie pas mes recommandations. Au fait, je n'ai pas besoin de te dire que tu ne dois pas ouvrir la bouche sinon, gare aux conséquences. Le silence est d’or.
Raphaël hoche la tête puis, sans regarder en arrière, il sort de la maison puis du village. Lorsqu'il traverse les ronces, ses pas ne le ramènent plus à l'intérieur du village mais bien à l’extérieur. Avec son pull-over, il attache l'enfant sur son dos. Doguecimi étant invisible, il aurait attiré la curiosité des gens s'ils le voient les bras soutenant un objet invisible.
Quand Raphaël parcoure le chemin qui avait emprunté pour venir, il découvre avec stupéfaction que la route de terre sur laquelle il avait marché la veille durant des heures au bord de laquelle il avait dormi s'est transformée en une voie bitumée.
« Comment est-ce que c'est possible ? » se demande t-il.
Déboussolé, il continue tout de même son chemin . Au bout de quinze minutes de marche , le jeune homme rend compte qu'il se trouve au niveau du pont paysage donnant sur la ville de Ouidah.
Raphaël décide de faire de l’auto stop afin de rentrer au plus vite chez lui. Cependant, personne ne s’arrête à son niveau. Cette situation est tout à fait normale puisqu'il est connu que des personnes se font souvent braquées sur les routes longeant cette forêt.
Après une heure de tentatives sans succès, le jeune homme décide d'effectuer le trajet à pied.
« Je n'ai pas le choix. Je vais rentrer en suant comme un porc. » se résigne t-il.
Ainsi se démène t-il pour quitter les lieux.
Quand Raphaël arrive enfin à Cotonou, il fait déjà nuit noire. Il est épuisé et irrité. Toutefois, il se dit que le fait de rentrer aussi tard tourne à son avantage. A la hâte, il se dirige vers la chambre qu'il occupe. Après y avoir récupéré plusieurs affaires, se dirige vers la sortie. Après avoir jeté un dernier coup d’œil à cette pièce dans laquelle il avait passé de bon comme mauvais moment, Raphaël ferme la porte pour ne plus jamais revenir en ces lieux.
Le jeune est dans le couloir menant à la sortie lorsqu'une silhouette se dessine devant lui. Ses yeux se plissent automatiquement.
—Hey, mon pote. Où étais tu passé ? Je me suis fais un sang d'encre pour toi. p****n ! Ça fait une que tu as disparu.
Raphaël reconnaît la voix de son ami Isaac. Ce n'est pas cependant ce qui le surprend le plus.
« Une semaine ? J'ai disparu durant une semaine ? Comment ? »
—Tu as dis que j'ai disparu durant une semaine ?
—Oui, vieux. J'ai cru que tu étais mort.
A l'entente du dernier mot, le sang du jeune homme ne fait qu'un tour. Il s’élance vers Isaac et lui assène un v*****t coup de poing.
—Espèce d'enfoiré ! s’écrie t-il, la rage au ventre.
—Quoi ? Qu’est-ce que t'as ? demande l'autre qui essaie de se relever.
Isaac est troublé par le comportement de son ami. Pour s’être inquiété, la seule chose qu'il a récolté est un coup de poing.
Raphaël l’attrape par le col de son t-shirt.
—Tu m'as vendu à ce chacal de Mr Thomas hein ?
Isaac le pousse et se libère de son emprise.
—Mais non ? Pourquoi est-ce que tu dis ça ?
—Ce Mr Thomas a essayé de me tuer pour que je serve de sacrifice rituel.
L'autre semble étonné par la nouvelle.
—Quoi ? Il n'a pas osé… ?
Isaac est étonné. Un part de lui doutait des bonnes intentions de cet homme cependant, il n'en a pas fait cas, se disant que son inquiétude était normale. Cependant, jamais Nil n'aurait pensé que les choses se dérouleraient de cette façon. A présent, son ami le croit complice de ce piège et n'a plus confiance en lui.
—Si. Maintenant, je m'en vais et je t'interdis de me retenir.
Il relâche celui qu'il considère à présent comme un ancien ami. Ce dernier ne le retient pas quand il le dépasse pour se diriger vers la sortie.
—Au fait, si le boss demande d’après moi, je suis plus jamais revenu, ok ?
—D’accord. Raphaël, je n'ai rien à voir avec ce qui t'est arrivé. Bonne chance à toi, mon frère.
Isaac n'a eu d'autre choix que d'accepter la décision de son ami, quitte à se prendre la foudre du boss. Alors, résigné d'avoir perdu son ami, il le suit du regard pendant que ce dernier s'en va pour une destination inconnue.
Raphaël a un pincement au cœur avant de s'en aller pour de bon. Une partie de lui accorde le bénéfice du doute à Isaac. Il se demande s'il a bien fait de l’agresser ainsi et de se méfier autant de lui. Il se dit que peut-être, vient il de perdre un ami précieux.
« Mais, il vaut mieux être prudent. Il vaut mieux perdre un ami que d'avoir un ennemi près à nous égorger dans notre sommeil. » se dit il.