I- Un coup de fil inattendu

1267 Words
I- Coup de fil inattendu J'ai un mal de crâne affreux avec l'impression d'avoir un marteau-piqueur dans la tête et je peine à ouvrir les yeux. Ma chambre, baignée dans l'obscurité, ce qui m'épargne une agression des rétines. Je ne veux pas quitter mon lit si moelleux, mais je n'ai pas le choix. Je baille à m'en décrocher la mâchoire et me mets péniblement debout. Je pose à peine un pied au sol que je heurte une bouteille abandonnée dans la pièce. Je soupire. "Putain". La lampe de mon téléphone m'aide à me déplacer dans le couloir. Hors de question que j'allume les lampes. Mes pas me guident vers la salle de bain où je trouve de l'aspirine avant de me diriger devant le lavabo et me tiens face au miroir ovale pour observer les dégâts. J'ai la tête d'un drogué en plein sevrage forcé. Mes traits sont tirés et j'ai des cernes tel un vampire. "Ça m'apprendra à me saouler un dimanche alors que j'ai cours le lendemain". Mon reflet ne me convient pas. Mais, que puis je y faire ? Je me sens si seul que l'alcool reste mon plus fidèle ami ; même si je sais que cette attirance malsaine pour ce liquide me conduit inexorablement dans les gouffres de l'alcoolisme. Lorsque j'étais plus jeune, je pensais que les alcooliques n'étaient que des déchets ; des personnes qui n'avaient aucune notion de la vie et sans conscience de leurs avenirs. Quand l'on est au bord de la rivière, il ne faut pas se moquer de celui qui se noie. J'étais hors de l'eau et jugeais les autres. Mon monde me semblait d'un blanc immaculé, car tout me semblait normal. Cependant, à l'adolescence, j'ai commencé par avoir des idées noires. Mon monde a sombré peu à peu. J'ai découvert l'alcool et m'y suis adonné. Tout d'abord à petites gouttes, c'est devenu carrément des bouteilles. Je deviens ce que je détestais. "Quelle vie misérable !" Après m'être préparé, je pars prendre mon petit-déjeuner , traînant des pas. Toutes les pièces de la maison sont dans le noir et un silence morne règne. La grande demeure ne contient que moi. "Comme toujours". Depuis mon enfance, mes parents ont été rarement présents. Je ne les vois qu'à de rares occasions comme Noël ou le jour de l'an et j'ai toujours eu cette impression bizarre qu'ils passent leur temps à me fuir puisque leurs regards le faisaient aussi. S'ils ne voulaient pas de gosse, autant ne pas en avoir, non ? "Qu'est-ce que je peux bien faire dans leur vie ?" J'arrête de penser à ces gens. De toute façon, je compte bien avoir mon bac cette année et me barrer d'ici. Peu importe si je devrai bosser dans un bar pour m'en sortir, je le ferai. Ça ne sert à rien d'avoir tout ce luxe, car oui, mes parents sont aisés, si l'on ne peut pas être heureux. L'argent ne remplace pas les sentiments. "Loin d'eux je serai, mieux se sera pour tout le monde." J'allume les lampes du salon et de la cuisine ; inutile d'ouvrir les volets vu que je sors dans quelques minutes. N'ayant pas trop faim, je me contente d'un jus de fruit. La boisson touche mes lèvres et j'ai juste envie d'y verser un bon whisky, mais me ravise. Il n'est que sept heures du matin et je ne veux pas me pointer en cours complètement ivre. "Et puis qu'est-ce que j'en ai à faire de toute façon. Personne ne me remarque. Je ne suis qu'un fantôme. J'ai beau m'efforcer pour me rendre plus visible, ça ne donne que dalle. " Je suis juste un métisse de taille moyenne, n'ai pas vraiment de muscles à en faire baver plus d'une et mes cheveux roux - étrange héritage de ma mère - désordonnés en permanence ainsi que mes taches de rousseur n'ajoutent en rien à mon "charme" inexistant. Je finis à sept heures trente, prends mon sac et me prépare à sortir en vitesse. Ma main est à peine posée sur le poignet de la porte que le fixe du salon sonne. J'ai envie de partir, mais l'appel est insistant. "C'est peut-être important". Je décide d'aller décrocher. — allô ! Personne ne me répond. — Qui est à l'appareil ? Toujours aucune réponse. Agacé, je dépose le combiné. Le téléphone sonne encore une fois. Je décroche de mauvaise grâce. — Allô ! — Salut Anani . Dit une voix étouffée au bout du fil. Je suis intrigué. — Qui est ce, s'il vous plaît ? — Tu veux jouer ? Hein??? Qu'est-ce que c'est que ces conneries. Le fixe étant un ancien modèle – un téléphone rétro multifonctionnel –, je ne peux pas connaître le numéro de l'appelant. Et dire que mes parents ont dû dépenser une fortune juste pour ce truc. — Écoutez, j'ai cours dans quelques minutes et je suis déjà en retard donc, vous comprendrez que je n'ai pas le temps pour ça . Je dépose le combiné. " Un jeu, mon cul, ouais". Quelle sorte de taré a décidé ce matin de se payer ma tête ? Je suis d'une humeur massacrante alors, qu'il n'en rajoute pas. "Il y a vraiment des cons dans ce monde." Un autre coup de téléphone retentit dans la maison. Énervé, je ne continue pas ma route et décroche afin de lui dire ses quatre vérités à ce mec. — Ecoutez-moi bien.... — Je suis la plus orgueilleuse des bâtisses, vu que je regarde les autres de haut. Les élèves me regardent d'en bas. Que suis-je ? Ou plutôt, où suis je ? Tu as trente minutes. Il m'énerve là. — Écoutez espèce de... Il a raccroché. Le fumier. Mon mal de crâne s'était déjà atténué et il a fallu que ce type chelou fasse son apparition pour que ça me relance. Je grogne puis quitte mon domicile en laissant la clef dans le pot de fleur afin que notre femme de ménage puisse faire son boulot. ~Dans la soirée~ Je suis assis sur mon lit depuis tout à l'heure à lire les publications sur le suicide de la brune ou plutôt de Raissa. " C'est un joli prénom". pensé je. Selon les dires, elle n'avait aucun problème apparent et tout le monde se demande pourquoi elle en était arrivée là. "Tout le monde a ses secrets. Le masque ne tombe jamais en public." Il y a des questions et des messages de soutien à la famille. L'image du corps de la jeune fille s'impose à mon esprit. Je soupire et jette mon téléphone sur le lit en me demandant pourquoi je lisais ces trucs. Je veux chasser ce que j'ai vu de ma tête. J'essaie de penser à la plage, au sable fin et au bruit des vagues. Après l'accident de ce matin, les cours avaient été suspendus jusqu'à la semaine prochaine. J'avais alors quitté au plus vite les lieux pour me retrouver sur la plage de Fairy afin d'évacuer mon trop-plein d'émotions. C'était la première fois que je voyais un corps sans que ce ne soit derrière un écran et j'aurais aimé qu'il ait été dans un meilleur état. Elle aurait juste pu s'injecter une dose mortelle de cocaïne ou autre, non ? Ce sang, ce regard, les membres dans des positions anormales ; mon cerveau était comme une bombe à retardement. Je m'étais rendu compte à quel point, la vie était éphémère. Me remémorant ces quelques minutes, je m'étais installé non loin du bar situé de l'autre côté de la rue et où je m'étais soûlé hier. "On ne sait jamais".
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