Amour Interdit

564 Words
Jean-Charles prit de mes mains la liste et la remit au coursier. « Vas-y. » Sa voix résonna comme la cloche d'un temple bouddhiste. Un moment de silence, pesant comme celui d'un hommage, s'ensuivit. Mes yeux rosèrent, mes narines étouffées dans cette chute d'eau. La voix d'un ange brisa la quiétude. « Une lettre d'amour ? » C'était Jean-Charles. Il se pencha vers moi, un sourire affectueux sur son visage. Mes éveuses lèvres s'ouvrirent. « Shujaa me manque tellement. » Enfin un aveu. Une phrase qui déchirait les ficelles viscérales de mon cœur en y sortant. Une vérité qui conduirait mes parents à retirer avec animosité le nom de famille qu'ils m'avaient donnée en héritage. Je relisais à cet instant les mots écrits en noir sur cette feuille blanche que j'avais prise soin de plier le plus possible, afin que ni ma mère ni mon père ne la trouve. Je la déplaçais chaque jour. En dessous du lit, lorsque je dormais. Dans mon armoire à linge lorsque je sortais, et dans mon soutien-gorge quand j'allais à l'école. Il était aussi hors de question que Shujaa se fasse remarquer. Il était hors de question qu'il soit exposé à des problèmes en raison de mon indiscrétion. Il était hors de question qu'on nous l'arrache, à moi, à Jean-Charles et à sa mère. Il était notre espoir, bien que maintenant le monde était en train de souffler son vent sur la flamme de mon amour. Bien sûr, elle ne s'éteignait pas. Mais le soleil, lui, si. Alors, je basculais dans l'obscurité et les ténèbres. Oui, l'espoir mourait, même si la flamme de l'amour restait prête à souffrir pour l'éternité. Je pris Jean-Charles dans mes bras. Si seulement il savait ce qui se passait, mais j'avais honte de lui en parler. Je ne voulais pas que cela se sache pour l'instant. Jusqu'à ce que j'arrive à convaincre ma famille du contraire. Mais comment allais-je le faire ? « Ne t'inquiète pas. » Il me berça de gauche à droite, une chaleur sédative me ferma les yeux. J'eus l'impression que mes soucis étaient secoués hors du tapis de mon âme. Mais le vent ramena toute la poussière dans ma maison par une annonce : « Il sera de retour dans trois mois. » La voix de Charles, douce, à l'opposé de mon choc. Je sortis de ses bras. « Trois mois ? » « Oui. Pourquoi ? » « C'est beaucoup trop long... comment je ferai moi d'ici là ? » « Tu sais qu'il est parti pour le travail et tu l'as déjà attendue plus longtemps que ça. Qu'est-ce qui te gêne cette fois-ci ? » Mon regard s'étendît dans l'air. « Rien. » Ma voix froide. « Il me manque, c'est tout. » Ça me faisait mal d'être autant distante avec lui. Je ne pouvais pas lui avouer que j'allais les décevoir pour une décision qui n'était pas prise par moi. Je ne voulais même pas en parler, parce qu'en parler allait ajouter de la réalité à cette proposition de mes parents. Je préférais faire comme si cela n'existait pas. Je me tournai, demandant au coursier s'il n'avait pas fini. Celui-ci parla à voix haute. « Il ne reste que deux articles. » Jean-Charles m'attrapa donc par le coude et me tourna. « Joli... tu as l'air pâle. Tu es sûre que tu vas bien ? »
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